Marie Toussaint fait partie de la nouvelle génération de jeunes responsables politiques à qui les cadres d’EELV souhaitent transmettre le flambeau. Ceux pour qui société civile et monde politique vont de pair. La nouvelle eurodéputée verte a fait son entrée au Parlement le 2 juillet, bien décidée à en découdre. Troisième épisode d’une série de portraits de personnalités françaises nouvelles à Strasbourg.
« L’affaire du siècle », c’est elle. Enfin, en partie. Marie Toussaint a lancé cette pétition afin de traduire l’État en justice pour « inaction climatique », en collaboration avec les ONG Greenpeace, Oxfam et la Fondation Nicolas Hulot, en décembre dernier. Soutenue par des personnalités comme Marion Cotillard ou Juliette Binoche, l’initiative connaît un démarrage fulgurant. Six mois plus tard, près de 2,2 millions de personnes ont apporté leur soutien à ce texte, ce qui en fait la pétition la plus signée de France. Auréolée de ce succès qui tombe à point nommé juste avant les élections européennes, la militante écologiste de 32 ans est propulsée sur le devant de la scène médiatique.
Cela fait pourtant des années que cette juriste en droit international de l’environnement se bat pour sauver la planète sur le terrain du droit. La cofondatrice et ancienne présidente de l’association Notre affaire à tous plaide notamment pour la reconnaissance du crime d’écocide et l’octroi de droits à la nature. Une lutte qui, pour être efficace, doit se mener au niveau international, explique Marie Toussaint : « C’est rageant de voir qu’il y a de plus en plus de personnes qui sont préoccupées par l’urgence climatique et que finalement, cela n’avance pas. Comme je suis juriste, j’avais envie de participer à l’écriture des règles. »
Eurodéputée et militante
« Juriste militante ! », rectifie la jeune femme. Les actions de terrain sont pour elle « tout aussi essentielles que le combat politique » et vitales pour « rester dans la vie réelle ». « Je veux construire ma feuille de route avec les gens qui se battent pour l’écologie, la solidarité, des organisations féministes ou de consommateurs », raconte-t-elle. Celle qui est née à Lille et a été élevée dans le monde associatif (son père marin et sa mère professeure d’économie en lycée technique sont membres d’ATD Quart Monde, ONG qui encourage ses adhérents à aller vivre dans des quartiers défavorisés) refuse le clivage entre société civile et monde politique. « J’ai toujours marché sur ces deux jambes qui, pour moi, ne s’opposent pas du tout. Moi, je suis militante tout le temps et je suis restée la même une fois élue. »
Du côté du monde associatif écologiste, certains sont un peu dubitatifs. « Le mélange des agendas peut être à double tranchant. Cela peut donner un tour politicien aux initiatives de la société civile et les marginaliser », analyse un responsable d’ONG.
Membre du bureau exécutif d’EELV
Malgré ces mises en garde, Marie Toussaint n’entend pas abandonner sa double casquette. Son engagement politique remonte à loin. Elle a en effet rejoint EELV à 18 ans. Après ses études à Sciences Po, elle devient attachée parlementaire de l’eurodéputée verte Catherine Grèze en 2009-2010, puis co-secrétaire fédérale des Jeunes Verts, devenus les Jeunes Écologistes, et enfin directrice de cabinet d’Antoinette Guhl, adjointe à la mairie de Paris, jusqu’en 2015. Depuis trois ans, au sein de la direction d’EELV, la jeune femme est en charge des questions européennes. Elle crée des passerelles avec les autres partis verts siégeant à Bruxelles, ranime les réseaux du parti, retisse des liens avec des intellectuels et participe à l’écriture du programme pour les élections du 26 mai dernier. « Marie a été une bouffée d’oxygène pour notre mouvement », raconte David Cormand, patron d’EELV. « Elle fait partie des quelques personnes qui ont contribué à réactiver notre pensée, notre projet et notre récit. Elle a fait un travail peu visible, mais très précieux. »
Marie Toussaint connaît donc déjà bien les rouages du Parlement européen. Elle sait que son mandat va être source de déceptions et de frustrations. Car si les trois grandes forces politiques – les conservateurs du PPE, les libéraux de Renew Europe et les sociaux-démocrates du S&D – ont verdi leurs programmes lors de ce scrutin, il y a un « écart abyssal entre le discours écologiste de ces partis non écologistes et ce qu’ils mettent en œuvre dans la réalité. […] Vu l’urgence de la situation environnementale, on ne peut pas se contenter de rustines », prévient Marie Toussaint, qui promet à ses collègues de Bruxelles un « combat acharné » pour arracher des victoires.
rfi