À un peu plus de trois semaines des élections législatives israéliennes, le chef de la liste des partis arabes se dit prêt à entrer « à certaines conditions » dans un gouvernement de centre-gauche. Une déclaration vivement commentée, car jamais les partis arabes n’ont fait partie d’un gouvernement en Israël.
Les formations arabes ont pu soutenir l’exécutif de l’extérieur, notamment après les accords d’Oslo au milieu des années 1990, ou faire partie d’une majorité de blocage. Mais elles n’ont jamais accepté d’entrer dans un gouvernement. En déclarant qu’il était prêt à siéger dans un exécutif de centre-gauche si celui-ci acceptait certaines conditions, Ayman Odeh marque donc une inflexion de la part d’un dirigeant arabe israélien. Lui-même estime toutefois qu’il y a peu de chances que sa proposition soit acceptée.
Négociations avec les dirigeants palestiniens
Les conditions qu’il pose concernent à la fois le processus de paix et la place des citoyens arabes israéliens dans la société. Il demande la reprise des négociations avec les dirigeants palestiniens, l’annulation de la loi État-nation adoptée en 2018 qui ne reconnaît le droit à l’autodétermination qu’aux juifs. Il souhaite aussi que le gouvernement facilite la construction de logements pour les Arabes et établisse un nouvel hôpital public dans une ville arabe.
Ses déclarations ont suscité de très nombreux commentaires. Le Likoud de Benyamin Netanyahu accuse constamment son principal rival, Benny Gantz, de vouloir constituer un gouvernement de gauche avec les partis arabes. Une accusation lancée afin d’effrayer une partie de l’électorat : seule la droite, dit le Likoud, est capable d’assurer le caractère juif de l’État d’Israël. Et le parti a vu dans ses déclarations d’Ayman Odeh la preuve que ses accusations sont fondées. « C’est la fin d’un État juif et démocratique » a déclaré la ministre de la Culture et des Sports.
Une proposition loin de faire consensus
Bleu et Blanc, la coalition dirigée par Benny Gantz a d’ailleurs rapidement pris ses distances par rapport aux déclarations d’Ayman Odeh. « Nous ne pouvons pas nous associer avec des partis arabes qui ne reconnaissent pas l’État d’Israël comme un État juif » a déclaré Gabi Ashkenazi, l’un des dirigeants de cette coalition. À l’inverse, Nitzan Horovitz, le chef de la liste la plus à gauche a déploré la vitesse à laquelle Bleu et Blanc a tenu à se démarquer d’Ayman Odeh : « moins d’une heure a-t-il relevé. Cela montre à quel point nous devons aller plus loin », juge-t-il.
Mais plusieurs responsables politiques arabes ont aussi pris leur distance. Sans désavouer ouvertement leur tête de liste, plusieurs élus arabes ont en effet tenu à exprimer qu’il n’y avait pas de changement de leur part. « Nous ne participerons pas à un gouvernement d’occupation, de guerre et de racisme » a ainsi déclaré l’une des députées arabes.
►À lire aussi : Israël : les partis se préparent à déposer leurs listes pour les législatives
Face aux réactions, Ayman Odeh a rappelé ses conditions pour entrer dans le gouvernement : une façon de marquer qu’elles ont peu de chances d’être acceptées et qu’il ne se voit pas comme ministre d’un gouvernement dirigé par Benny Gantz. Mais le chef de la liste arabe unie juge qu’il est temps de « faire évoluer la politique arabe d’une politique de protestation à une politique d’influence ». En montrant que les partis arabes pourraient éventuellement devenir forces gouvernementales, il espère faire remonter le taux de participation dans sa communauté : celui-ci était de 49% seulement lors du scrutin d’avril. En effet, une partie de l’électorat se lasse de voter pour des formations constamment dans l’opposition.
RFI