Le sommet de l’État brésilien, dont les relations avec la France sont notoirement mauvaises depuis plusieurs mois, a opposé dans la nuit de lundi à mardi 27 août une fin de non-recevoir à l’aide d’urgence proposée par les pays du G7 face aux incendies en cours en Amazonie. Le président Bolsonaro a affirmé que ces derniers, qui ont encore progressé en ce début de semaine, étaient « sous contrôle ».
L’Amazonie fait face à une grave crise incendiaire, mais cela n’empêche pas le torchon de brûler entre Brasilia et plusieurs pays du monde. L’exécutif brésilien est très remonté contre ce qu’il perçoit comme des tentatives d’ingérence étrangères. Et la France, qui abrite une partie de la forêt sur son territoire, en Guyane, et qui s’est exprimée sur la question, est dans le viseur du gouvernement brésilien.
« Nous ne pouvons accepter qu’un président, Macron, lance des attaques déplacées et gratuites contre l’Amazonie, ni qu’il déguise ses intentions derrière l’idée d’une « alliance » de pays du G7 pour « sauver » l’Amazonie, comme si c’était une colonie. Le respect de la souveraineté (…) est le minimum qu’on puisse attendre dans un monde civilisé », a tweeté M. Bolsonaro ce mardi matin.
Les sept puissances industrielles du G7, réunies en sommet à Biarritz, avaient promis de débloquer d’urgence 20 millions de dollars pour envoyer des avions bombardiers d’eau supplémentaires en Amazonie. Emmanuel Macron a évoqué aussi un plan d’aide « d’au moins 30 millions » de dollars pour la reforestation, projet devant être finalisé par l’Assemblée générale de l’ONU fin septembre.
Jair M. Bolsonaro
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@jairbolsonaro
· 20 h
– Em conversa com o Presidente Iván Duque, da Colômbia, falamos da necessidade de termos um plano conjunto, entre a maioria dos países que integram a Amazônia, na garantia de nossa soberania e riquezas naturais.
Jair M. Bolsonaro
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@jairbolsonaro
– Não podemos aceitar que um presidente, Macron, dispare ataques descabidos e gratuitos à Amazônia, nem que disfarce suas intenções atrás da ideia de uma « aliança » dos países do G-7 para « salvar » a Amazônia, como se fôssemos uma colônia ou uma terra de ninguém.
Le Brésil invite la France à s’occuper plutôt de ses « colonies »
C’est donc une fin de non-recevoir à Brasilia. Onyx Lorenzoni, chef de cabinet de Jair Bolsonaro – des fonctions équivalentes à celles d’un chef de gouvernement -, a assuré le service après-vente de ce refus d’entraide, en lançant sur le site G1 : « Nous remercions (le G7 pour son offre d’aide, ndlr), mais ces moyens seront peut-être plus pertinents pour la reforestation de l’Europe. »
Et d’ajouter, dans une allusion un peu lourde à l’incendie qui a touché la cathédrale Notre-Dame de Paris en avril : « Macron n’arrive même pas à éviter un incendie prévisible dans une église qui fait partie du patrimoine mondial de l’humanité, et il veut nous donner des leçons pour notre pays ? » Avant d’enfoncer le clou en invitant le président français de s’occuper plutôt de ses « colonies ».
De quoi conclure une séquence bien peu diplomatique. Le chef de l’État français n’a pas apprécié les commentaires de son homologue sur son épouse. Il les a qualifiés d’« extraordinairement irrespectueux », ajoutant que « les Brésiliens, qui sont un grand peuple, ont un peu honte de voir ces comportements ». Jair Bolsonaro s’était laissé aller à des moqueries personnelles en discutant sur Twitter.
Macron souhaite au Brésil de retrouver un président « à la hauteur »
La dégradation des relations diplomatiques s’est faite progressivement. En amont, il y a aussi eu des insultes du ministre brésilien de l’Éducation contre le président français. Ou l’annulation au dernier moment d’un rendez-vous avec le ministre français des Affaires étrangères lors d’une visite officielle, M. Bolsonaro ayant soudain préféré aller chez le coiffeur plutôt que de voir Jean-Yves Le Drian.
Dimanche, Emmanuel Macron a dit espérer que les Brésiliens auront « très rapidement » « un président qui se comporte à la hauteur ». Juste avant le G7, il a par ailleurs accusé Jair Bolsonaro de lui avoir « menti » sur ses engagements en matière d’écologie, annonçant que la France s’opposait désormais à l’accord controversé de libre-échange entre l’UE et le Mercosur.
Emmanuel Macron
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@EmmanuelMacron
La forêt brûle également en Afrique subsaharienne. Nous sommes en train d’examiner la possibilité d’y lancer une initiative similaire à celle que nous venons d’annoncer pour l’Amazonie. #G7Biarritz https://twitter.com/EmmanuelMacron/status/1165956395637837826 …
Emmanuel Macron
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@EmmanuelMacron
L’Amazonie absorbe 14% du CO2 mondial. La perte du premier poumon de la planète est un problème mondial. Aucun pays ne peut dire que ça le concerne seul. #ActForAmazon
C’est pourquoi le #G7Biarritz se mobilise pour répondre à la crise. Voici ce que nous allons faire :
Isolement du brésil sur la scène internationale
Le numéro un brésilien dénonce les critiques de la France à son égard. Mais comme le rappelle sur notre antenne le directeur de l’Observatoire politique de l’Amérique latine et des Caraïbes, Gaspard Estrada, Paris n’est pas la seule capitale à chercher ses marques avec le dirigeant d’extrême droite brésilien. Selon lui, le Brésil est de plus en plus isolé sur la scène internationale.
Pour preuve, la relation de M. Bolsonaro avec M. Trump : « Le gouvernement brésilien fait l’unanimité contre lui. Si vous regardez les Unes des quotidiens du monde entier, clairement, le Brésil est isolé. Son action est mise à l’index par la communauté internationale. Et de ce point de vue, Bolsonaro n’a pas reçu le soutien de Donald Trump, en tout cas pas au niveau qu’il escomptait. »
Or, « la stratégie de Jair Bolsonaro a toujours été d’être soumis aux ordres des États-Unis », analyse Gaspard Estrada. Sauf que « soumission ne veut pas dire pour autant coopération ». « Certes, M. Trump peut être compréhensible vis-à-vis des attitudes de M. Bolsonaro, mais on a vu à l’occasion de ce G7 que les intérêts des États-Unis sont prioritaires pour M. Trump. »
Pour Brasilia, la situation en Amazonie « a été un peu exagérée »
Lundi, le ministre brésilien de la Défense a assuré que les incendies en Amazonie étaient « sous contrôle », après l’envoi par Brasilia de plus de 2 500 militaires, et l’annonce de pluies dans plusieurs régions concernées. La situation « a été un peu exagérée », a ajouté Fernando Azevedo e Silva, selon qui le Brésil a connu certaines années des « pics d’incendies beaucoup plus graves ».
Dimanche, 1 113 nouveaux départs de feu ont été recensés par l’Institut national de recherche spatiale (INPE) du Brésil. Au total, près de 80 000 feux de forêt ont été répertoriés dans le pays depuis le début de l’année, peu seulement qu’en Amazonie. Cette forêt, dont 60% de la surface se trouve au Brésil, s’étend aussi en Bolivie, Colombie, Équateur, Guyana, Pérou, Surinam, Venezuela et France.
rfi