La liberté provisoire a été refusée, hier, au journaliste Adama Gaye. Il ne va pas encore, de sitôt, rejoindre sa famille. Le Procureur s’y est opposé, arguant le fait qu’il peut réitérer ses propos, c’est-à-dire ‘’récidiver’’. Et ceci malgré le fait que le journaliste avance la thèse du piratage de son compte Facebook, ce qui, techniquement, est vérifiable.
Comme quoi, au niveau du Parquet, c’est-à-dire de la Chancellerie et donc de la Présidence, il n’est pas question de libérer le Consultant, il faut le maintenir dans les liens de la détention, le punir tout simplement.
Car, paradoxe de notre système judiciaire, la détention préventive est une privation de liberté qui a les mêmes caractéristiques et les mêmes conséquences qu’une condamnation.
C’est une fiction juridique que de parler de ‘’présomption d’innocence’’. Avec ce système, on a instauré, de facto, une présomption de culpabilité, tout en affirmant le contraire.
C’est valable pour l’offense au chef et même pour tout autre délit ou crime. Toutes ces personnes détenues, en attendant leur jugement, se moquent qu’on leur dise qu’ils sont ‘’présumés innocents’’. Car, en réalité, ils vivent le contraire. L’institution a cependant l’avantage technique de permettre à la défense de bénéficier du fait que la charge de la preuve incombe à l’accusation. En dehors de cet avantage profitable à la défense et inversé dans certains délits comme l’enrichissement illicite, la présomption d’innocence ne sert pas trop celui qui est en détention préventive ou provisoire.
Donc, ils sont nombreux à penser, y compris sur les réseaux sociaux, qu’Adama Gaye doit rester en détention, c’est-à-dire en punition. Ils le disent, parfois, ouvertement.
La seule bonne nouvelle, est qu’il se porte comme un charme et tient à le dire à sa famille et certainement à l’opinion.
Alors, pourquoi tant de détermination à le maintenir en prison ? Il est clair que le Parquet est un levier très influent de notre système judiciaire. Conséquence, les idées et orientations du Procureur sont souvent suivies, même si ce n’est pas toujours. Car, personne n’est dupe, dans le cas précis d’offense au Chef de l’Etat, l’opinion de ce dernier devient déterminante.
La réalité est que quand le Président se sent offensé, la Justice s’offusque. Car quel est le Procureur qui va prendre la responsabilité d’être favorable à la libération de celui qui a osé offenser le Président ? Et la famille judiciaire étant une, on imagine facilement que le juge va trancher dans le sens souhaité par l’accusation, surtout dans ce cas précis.
C’est justement pour cette raison, que ce chef d’accusation doit être revu. Il faudra l’adapter aux exigences nouvelles en matière de démocratie, avec notamment les nouvelles technologies tout en évitant d’instaurer un permis d’insulter.
Le Président de la République, ne serait-ce que sur la forme, doit toujours donner l’impression d’être au-dessus de la mêlée, de pardonner, etc. or, l’article 80 instaure justement un délit de lèse-majesté qui ouvre la voie à une vendetta publique contre certains citoyens.
Pis, il n’est jamais démontré que l’emprisonnement va dissuader ces fautifs ou supposés tels.
Les cas Assane Diouf et Guy Marius Sagna doivent convaincre sur le fait que la prison n’a servi qu’à davantage les radicaliser, et surtout les rendre populaires.
Depuis qu’il est sorti, Sagna est invité sur les plateaux de toutes les télévisions privées et Assane Diouf a repris ses injures, de plus belle.
Alors, il est important de réfléchir à deux fois avant d’envoyer quelqu’un en prison, sous prétexte de détention préventive qui est, en fait, une vraie punition.