Au moins 1 500 enfants libérés d' »écoles de l’horreur » depuis septembre au Nigeria

La police nigériane a libéré 259 jeunes détenus dans une « école » coranique à Ibadan, dans le sud du pays. Cette dernière opération porte à plus d’un millier le nombre d’élèves libérés. Beaucoup disent avoir subi des sévices physiques et sexuels.
Leur premier réflexe est de manger. Corps amaigris, visages émaciés, dos lacérés de coups, quelque 259 jeunes élèves d’une école coranique informelle gérée par une mosquée du quartier Ojoo ont été libérés à Ibadan, dans le sud-ouest du Nigeria, ont rapporté mardi 5 novembre les autorités locales. Il ne s’agit pas d’une première en la matière. Depuis le mois de septembre, au moins 1 500 personnes ont été délivrées de ces maisons de l’horreur.

Lors de cette dernière découverte, la police est intervenue « rapidement » après avoir reçu des informations d’un garçon de 18 ans qui s’était échappé du centre, a précisé un responsable de la police.

« L’existence de ces écoles n’est pas facile à déceler car ces structures, qui ne sont pas enregistrées auprès de l’État, bénéficient de diverses complicités à de nombreux échelons », a précisé Moïse Gomis, correspondant de France 24, au Nigeria, lors d’une précédente découverte.
« Ni des centres de réhabilitation, ni des écoles »

Depuis plusieurs semaines, la police nigériane tente tout de même de mener des opérations contre ces centres de détention, appelés « almajiri » en anglais. Ils se présentent comme des écoles islamiques. « Mais ces endroits ne sont ni des centres de réhabilitation, ni des écoles islamiques, estime Ali Janga, commissaire de police dépêché sur place. Ces enfants viennent de partout dans le pays. Certains d’entre eux ont été retrouvés enchaînés, exploités, déshumanisés. »

« On ne mangeait qu’un seul repas par jour, explique un ancien captif. Et si vous voyiez ce qu’ils nous servaient, même un chien n’en voudrait pas ». Et un autre de poursuivre : « Si tu ne finis pas ta nourriture, ils vont te battre, si tu vomis, tu manges la nourriture en même temps que le vomi ». D’autres font état de torture et d’abus physiques ou sexuels.

Et l’impossibilité de fuir. « Mes parents m’ont emmené ici, raconte Muftau Adamu, un ancien détenu. Plus tard, ils sont venus me récupérer, mais l’école leur a demandé plus de 3 000 dollars pour me laisser sortir, alors ils m’ont laissé là. »

Des pouvoirs publics inexistants

Ces écoles ont proliféré au Nigeria ces dernières années. Faute de services publics, des parents choisissent de placer leurs enfants dans ces « écoles » persuadés qu’il s’agit de vrais établissements coraniques. Une manière pour eux de les éloigner de la drogue ou de la criminalité galopante. D’autres parents perdus placent également leurs enfants atteints de maladies mentales, ne sachant quoi en faire.
À Ibadan, les parents interrogés par la police ont dit avoir été choqués par ce qu’ils ont découvert. Ignorant tout jusqu’ici des conditions de vie de leur progéniture, ils étaient persuadés que leurs enfants y suivaient un enseignement religieux. Ils payaient même des frais de scolarité. Aucun d’entre eux n’était autorisé à entrer dans la maison pour voir ce qui se passait. À chacune de leur visite, les enfants étaient amenés à l’extérieur pour les rencontrer un bref instant, témoignent des parents.

Le propriétaire et huit autres personnes du centre ont, quant à eux, été arrêtés, mais « l’enquête est toujours en cours pour obtenir plus de détails », ont affirmé les autorités policières.

Le président nigérian Muhammadu Buhari a condamné ce type d’institution en octobre, après une énième découverte similaire. « Aucun gouvernement démocratique responsable ne tolérerait l’existence de chambres de torture et de sévices physiques sur des détenus au nom de la réhabilitation », a-t-il déclaré dans un communiqué.

Mais selon Hassan Idayat, directeur du Centre pour la démocratie et le développement, le gouvernement est en partie responsable de la prolifération des centres de redressement informels, notamment en ce qui concerne les enfants malades. « Ce phénomène est répandu à cause du manque d’institutions de santé mentale », a-t-elle expliqué à l’AFP. « Le gouvernement doit investir de toute urgence dans ce domaine. »