Le teint noir, la taille moyenne, Christiane Dumont, 37 ans, est arrivée dans le milieu du cinéma il y a sept ans. Révélée par la série «C’est la vie», la mère de famille qui a joué le rôle de Aïcha Fall dans «Golden», n’entend pas s’arrêter là.
Le succès de son personnage «Magar» lui colle à la peau. La dévotion avec laquelle Christiane Dumont a incarné ce rôle a séduit plusieurs producteurs. Depuis, ils ne la lâchent plus. C’est sans doute son fort caractère et son engagement qui ont fait la différence. Pourtant la jeune dame ne garde dans ses tiroirs aucun parchemin dans ce métier. Alors que depuis 2012, elle enchaîne les tournages. Le cinéma, elle l’a appris sur les plateaux, après y être tombée comme un cheveu dans la soupe. Devenir actrice-comédienne n’était ni son ambition, ni sa prétention. Pour preuve, lorsque le producteur Alexandre Rideau lui faisait le déroulé de ses attentes pour la série télévisée «C’est la vie», l’actrice a failli plier bagages dès l’entame de son discours. Mais plus il s’enfonçait sur le sujet, la dame à la peau noire se retrouvait dans l’image de «Magar». Cette maman d’une fillette morte à la suite d’une excision. Répugnée, dégoûtée, colérique, elle va jusqu’à demander le divorce et affronter en justice son mari, complice de l’exciseuse de sa fille.
Le cinéma pour changer les mentalités
Ce n’était alors plus le moment de s’arrêter. Elle avait déjà trop pris goût au cinéma. Cet art qui lui a fait prendre conscience que pareilles atrocités avaient encore cours dans son pays. D’autant qu’elle considère le septième art comme un outil d’éducation, de conviction et de manipulation. «On a besoin au Sénégal de changer les mentalités, qu’elles soient plus constructives, objectives, positives», dit-elle. Pour ce faire, la télévision qui s’impose même au ménage peut être un moyen efficace. «Le cinéma doit être réaliste et futuriste, ajoute-t-elle. A mon avis, on n’a pas utilisé tous les outils pour changer les mentalités. Il faut juste une volonté et la compréhension de ce qui se fait. Le cinéma pourrait jouer un important rôle dans le changement des mentalités. C’est mon souhait.»
La comédie était une aptitude cachée, jusqu’à ce qu’elle éclose en 2012 à travers «C’est la vie ». La série qui l’a révélée au public aux côtés de Fatou Jupiter Touré, Awa Djiga Kane, Joséphine Zambo… «On me dit que mon talent est inné, que c’est le cinéma qui m’a choisie. Je reste quand-même convaincue que si je n’étais pas entourée de gens ouverts et généreux, je ne serai pas arrivée à ce stade, car je ne l’ai pas appris à l’école». En atteste la manière dont elle est tombée dans le milieu cinématographique. En partant au casting un jour de semaine pendant sa pause, la top-modèle pensait participer à un tournage pour une pub vidéo, dans la mesure où elle s’y exerçait déjà. «C’est au cours de l’entretien, après que j’ai été retenue, que j’ai découvert que j’allais verser dans le cinéma. Je n’avais jamais pensé que c’était pour une série. Je ne m’attendais pas à aimer ce métier». Christiane alliait son travail de bureau et les défilés. Le mannequin a eu à défiler pour des stylistes comme Oumou Sy et Sadya Guèye. Il ne lui a fallu que deux passages sur les planches pour décrocher des contrats de publicité. Un domaine qu’elle connaissait déjà, après sa formation en marketing, à travers son boulot de responsable de programmes et directrice de production dans les boîtes d’événementiel. Ne se fixant aucune contrainte, l’ancienne étudiante de l’Institut Jeanne d’arc de Dakar préfère être dans le milieu où elle s’épanouit. C’est ce qui explique peut-être qu’elle n’ait jamais eu l’occasion d’expérimenter la profession de délégué médical après ses cours. Aussi, quand il a fallu choisir entre le métier d’actrice et d’assistante de direction qu’elle pratiquait dans une entreprise évoluant dans le pétrole, la mère de famille a suivi son instinct. «Quand j’ai été choisie pour participer à la série «C’est la vie», je suis allée voir mon patron qui m’a donné une disponibilité de quatre mois pour le tournage. J’ai fait la première saison. Lorsqu’il a fallu faire la deuxième saison, on m’a refusé une nouvelle disponibilité. Je devais alors faire un choix. Ce n’était pas facile. J’ai choisi de ne faire que du cinéma, raconte-t-elle. Pour le moment, je fais focus sur le cinéma, car c’est un milieu qui me plaît, qui me parle réellement». Aujourd’hui, sept ans après, l’ex potache des Cours Sainte Marie de Hann et du Clpa ne regrette pas d’avoir laissé un boulot sécurisant pour aller à l’aventure. Puisque depuis lors, ce milieu ne lui laisse plus de répit.
«Je ne suis par sur la ligne d’arrivée»
Deux semaines après le bouclage de la première saison, celle qui porte le personnage de Aïcha Fall de la série «Golden» est en tournage dans une autre série. Avant cette production de Marodi qu’elle a intégrée après une rencontre avec le producteur au Fespaco, Christiane Dumont a participé à la série policière «Sakho et Mangane». Ambitieuse fonctionnaire de la police totalement dévouée à sa carrière, la commissaire Mama Ba (son nom dans la série) gagne le respect de sa hiérarchie par la force d’une intelligence hors du commun. Œuvre cinématographique qui lui a d’ailleurs valu le prix de la meilleure interprétation féminine africaine Série Tv au Sotigui d’Or 2019. «C’était une super belle expérience. Cela s’est passé à Ouagadougou au Burkina, le 30 novembre. C’était dans la cour des grands. Un festival qui prime les meilleurs acteurs et comédiens d’Afrique. Mais je ne suis pas sur la ligne d’arrivée».
Jeune et dynamique, battante, entêtée et ambitieuse, la dame de confession chrétienne a souvent dans ses rôles des traits de caractère qui lui ressemblent dans la vie réelle. «C’est pourquoi j’étais très à l’aise avec le rôle de Aïcha Fall. Je m’y retrouvais». Les cheveux coiffés en chignons ou délibérément ramassés et laissés libres vers l’arrière, la plupart du temps, la mère de 37 ans dégage de l’assurance dans la voix.
Native de la Patte-d’oie où elle a grandi, Christiane Dumont est descendante de mulâtre. «C’est l’histoire de deux frères qui se sont installés au Sénégal. L’un à Saint-Louis, l’autre à Gorée. Je suis de la descendance de Saint-Louis. J’ai grandi dans une famille très conviviale». Avant de verser dans le cinéma, Dumont aimait voyager, faire de la natation, danser. Des passe-temps que le métier lui a quasiment ôtés. Mais pas la place et le temps qu’occupe sa progéniture dans ses journées. «Quand je suis deux à l’heure, ce sont les enfants qui me poussent à me donner à fond». Comme quoi ses enfants sont, comme pour presque toutes les mamans, sa source d’inspiration.
AÏDA COUMBA DIOP IGFM