Municipales en Tunisie: «Maintenant au moins on aura un maire redevable»

Ils sont plus de 5,4 millions de Tunisiens à être appelés aux urnes ce dimanche pour les premières municipales depuis la révolution. Depuis 2011, et jusqu’à maintenant les municipalités sont dirigées par des délégués spéciaux, nommés par le pouvoir central, sans consulter les citoyens. Ces élections marquent donc le début d’une nouvelle ère pour la démocratie locale en Tunisie. Reportage.

 

Jusqu’à la mi-journée de ce dimanche, c’était très calme dans les bureaux de vote. Lors des précédentes élections législatives et présidentielle, en 2014, il y avait des files d’attente à l’extérieur. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas. Les électeurs arrivent au compte-gouttes et, surtout, on croise peu de jeunes dans les centres de vote. Un observateur d’un parti politique nous confiait : « C’est triste, je ne vois que des cheveux blancs, depuis ce matin ».

Pourtant, 50% des candidats, à ces municipales, ont moins de 35 ans mais il semble que cela ne suffise pas. Il faut dire que même parmi les électeurs qui se sont déplacés pour voter, la désillusion et la défiance envers la classe politique sont fortes. Beaucoup disent être venus par devoir citoyen mais ne pas attendre grand-chose de ces municipales.

Du côté des observateurs, c’est un peu la déception aussi, pour l’instant. Des bénévoles de Mourakiboun, la plus grosse association d’observateurs en Tunisie, nous disaient s’attendre à un taux de participation de 40%, grand maximum.

Le scrutin s’est tout de même déroulé sans incidents majeurs jusqu’à maintenant. 60 000 militaires et policiers sont mobilisés pour assurer la sécurité des bureaux de vote.

Dans le centre-ville de Tunis, les premiers électeurs sont arrivés doucement dans les bureaux de vote qui ont ouvert à 8 heures, heure locale.

Le centre de vote de la rue de Marseille, en plein centre de la capitale, attend ce dimanche plus de 5 000 électeurs. Une poignée d’entre eux seulement sont venus avant même l’ouverture des bureaux, à l’image d’Abdelaziz. Cet homme de 74 ans a sorti son plus beau costume pour l’occasion, et porte un pin’s aux couleurs du drapeau tunisien : « C’est la première fois que je vote pour des municipales en Tunisie ! Avant, on nous imposait le résultat, ils mettaient qui ils voulaient à la tête des municipalités. Mais aujourd’hui, grâce à la révolution on peut choisir, on peut élire qui on veut. »

Aujourd’hui, tout est différent. Ces élections municipales sont la première étape de tout un processus de décentralisation qui doit permettre aux citoyens d’avoir leur mot à dire dans la gestion de leur ville. Awatf, 54 ans, montre fièrement son doigt tâché d’encre électorale. Elle attendait ces élections avec impatience : « Maintenant au moins on aura un maire redevable. On pourra lui dire voilà ce que tu as nous promis, voyons si tu l’as fait ou pas. »

Peu d’électeurs, beaucoup de journalistes et d’observateurs

Des électeurs optimistes donc mais très peu nombreux. Car malgré les enjeux de ce scrutin, le grand gagnant risque fort d’être l’abstention. De nombreux Tunisiens disent ne pas vouloir voter. Ils sont déçus par la classe politique qui, depuis sept ans, n’a pas tenu ses promesses alors que la situation économique s’aggrave de jour en jour.

Selon le dernier sondage publié en janvier, il pourrait y avoir plus de 60 % d’abstention. A 11h, heure locale, l’Isie (Instance Supérieure Indépendante pour les Elections) annonçait les premiers chiffres du taux de participation : moins de 10%.
Miguel Hernando de Larramendi est membre de l’Opemam, un organisme espagnol universitaire spécialisé dans l’observation des élections dans le monde arabe : « Pour l’instant, on voit que le taux de participation n’est pas très élevée. Il n’y a personne dans la salle de vote tandis que la cour est pleine de journalistes et d’observateurs. »

Alors ici tout le monde espère que les Tunisiens seront plus nombreux à voter dimanche après-midi. Ils ont jusqu’à 18 heures pour mettre leur bulletin dans l’urne. Pour ces élections, il y a plus de 2 000 listes candidates, dont 40 % de listes indépendantes. Ces dernières se mesurent aux deux poids lourds de l’arène politique : les islamistes d’Ennahdha et le parti Nidaa Tounes. Tous les deux sont membres de la coalition au pouvoir et ont déployé des moyens importants pendant la campagne.

 

RFI