S’insurgeant régulièrement contre une «loi arbitraire» qui attribuait à la télévision d’État, la RTS, un certain pouvoir de contrôle sur les radios privées, notamment un droit de regard lors d’examen de requêtes de tiers, portant attribution de fréquences, le Groupe Sud-Communication, premier groupe de presse privé sénégalais, lancé dès 1982, avait légitimement rué dans les brancards, soutenu en cela par de larges franges de l’opinion. Le prétexte inavoué du pouvoir socialiste d’alors était la nécessité de maintenir le leadership de la RTS, qui ne devait en aucun cas «être affaibli par la libéralisation à outrance de l’espace médiatique».
LA RTS devrait, selon le raisonnement simpliste de certains caciques du régime socialiste, en sa qualité de média public national, avoir une prééminence affirmée sur les médias privés. Il est évident qu’il s’agissait pour le pouvoir socialiste d’un stratagème pour continuer à dominer l’espace politique communicationnel, en contrôlant les informations pouvant compromettre son agenda politique. Les radios et journaux privés constituaient dès lors des tribunes de prédilection des formations politiques de l’opposition, pour vulgariser leurs programmes et donner de la visibilité à leurs projets de société. L’opposition ne disposait que de ces créneaux pour toucher un large éventail d’électeurs, qu’il eût été moins aisé d’atteindre avec les modestes moyens logistiques de maillage physique du territoire, dont elle disposait alors. La RTS ne leur donnait pas la possibilité de s’exprimer sur la gestion du pouvoir. Excepté lors des campagnes électorales, où la télévision et la radio nationales sont légalement tenues de couvrir les meetings publics des partis engagés dans la compétition électorale, même si les restrictions drastiques des temps d’antenne constituent souvent des handicaps.
FORCE EST de reconnaître que cette discrimination médiatique a encore de beaux jours devant elle, en dépit des multiples textes législatifs censés consacrer le multipartisme et le pluralisme syndicale, avec leur sacro-saint corollaire du traitement égalitaire des acteurs publics par les médias d’État.
DANS SA THÈSE de doctorat en sciences de l’information et de la communication, présentée en novembre 2016 à l’université de Lorraine, en France, notre compatriote, Moustapha Sow, sous le thème: «Médias et pouvoirs politiques au Sénégal», y démontre avec brio comment les différents pouvoirs politiques ont toujours été allergiques à toute volonté affichée par un média privé de s’illustrer par son outrecuidence ou par une ligne-éditoriale se démarquant des sentiers battus. La fermeture, en octobre 2005, par le premier régime libéral de l’alternance, de la radio Sud-FM, consécutivement à la diffusion d’une interview d’un leader de la rébellion casamançaise, en est une parfaite illustration. La station régionale de Sud-Fm Ziguinchor, qui avait réussi à s’introduite dans le maquis pour réaliser un reportage inédit, devait provoquer une sérieuse crise entre le pouvoir et ce premier groupe de presse privée. Lequel avait pourtant, dans le traitement de ce dossier, fait l’effort de se conformer aux exigences classiques d’éthique professionnelle, notamment au principe de l’équilibre de l’information. Sud-Fm tenait à donner l’opportunité aux Sénégalais d’être informés sur les véritables enjeux de cette sempiternelle crise irrédentiste, qui ensanglante épisodiquement le sud du pays depuis 1982.
L’ÉTAT sénégalais avait toujours considéré avoir la prérogative de délimiter les zones interdites aux médias, et tenait à garder le monopole de l’information sur le dossier de la rébellion en Casamance. Ainsi, dès la diffusion de l’interview de Salif Sadio, un des chefs militaires du MFDC, dans la matinée du 17 octobre 2005, en synchronisation avec toutes les stations régionales de Sud-FM, le gouvernement libéral sénégalais décida de suspendre toutes les émissions de la radio Sud-FM.
LE JOURNALISTE Ibrahima Gassama, auteur de l’interview à polémique, fut arrêté par la police, qui procéda également à l’interpellation d’autres journalistes du groupe et à la fermeture, sur l’ensemble du territoire, de toutes les stations de Sud-Fm, que le gouvernement libéral accusait de porter «atteinte à la sûreté de l’Etat». Cette tentative de musèlement eu pour effet immédiat de déclencher une avalanche de soutiens des acteurs des médias, des organisations syndicales et de la Société civile.
JAMRA, toujours attachée aux valeurs fondamentales de la démocratie et de la liberté d’expression, étant donc, par principe, foncièrement opposée à toutes formes de musélement de la Presse, se rendit en forte délégation, dirigée par son défunt président exécutif, Abdou Latif Guéye, au siège du groupe, au 5e étage de l’Immeuble Fahd, pour témoigner de son soutien au patron du Groupe Sud-Communication, Babacar Touré, et à ses collaborateurs.
CONCERNANT donc la présente «affaire Dmedia», nous voudrions d’emblée rappeler que, conformément au Référentiel permanent de l’ONG islamique JAMRA, qu’est la Sunna du Prophète (psl), qui bannit toutes formes de dégradations fantaisistes du corps humain, JAMRA a toujours dénoncé l’importation des produits dépigmentants (khéssal), à fortiori les publicités qui font la promotion de ces produits nocifs, qui portent atteinte à la dignité et à la santé de nos charmantes sénégalaises.
NÉANMOINS, nous estimons que la sanction infligée par le «gendarme de l’audiovisuel» à Dmedia (7 jours de fermeture) est DÉMESURÉE. En réduisant au chômage technique 180 braves agents, qui y exerçaient divers talents professionnels et y gagnaient dignement leurs vies, le CNRA a assurément eu la main trop lourde. Là où une sanction financière aurait largement suffi. JAMRA invite donc, à son tour, le CNRA à «privilégier le dialogue», comme avait justement eu à nous y inviter le président de cet organe de régulation, lorsque nous dénoncions récemment auprès de ses services une autre dérive audiovisuelle, autrement plus pernicieuse que la publicité du « khéssal » !
Le 02 janvier 2020
Les Bureaux exécutifs de JAMRA et de MBAÑ GACCE