Turquie: sur Twitter, «TAMAM» devient un cri de ralliement des opposants à Erdoğan

C’est ce qui s’appelle être pris au mot. En Turquie, le président Recep Tayyip Erdoğan a créé malgré lui une tendance mondiale sur Twitter à cause de « Tamam ». Ce petit mot prononcé dans un discours a été repris plus d’un million de fois sur le réseau social.

de notre correspondante à Istanbul,

Mardi 8 mai au matin, Recep Tayyip Erdoğan faisait comme chaque semaine un discours devant les députés de son parti, l’AKP. Et il a eu cette phrase : « C’est ma nation qui m’a porté à la tête du gouvernement et de la présidence. Si, un jour, ma nation me disait « ça suffit » [en turc : « Tamam », ndlr], alors je me mettrais de côté ».

Cinq heures après ce discours, le mot TAMAM (en majuscules) avait déjà été repris plus de 335 000 fois sur Twitter et, une heure plus tard, il dominait le classement mondial des mots-clés les plus partagés sur le réseau social. « Ça suffit » : c’est ce que répondent massivement ses détracteurs à Tayyip Erdoğan, qui après 15 ans de pouvoir brigue un deuxième mandat à la tête de l’État.

En effet, la campagne électorale vient de commencer en Turquie pour les élections législatives et présidentielle du 24 juin. Elections qui auraient normalement dû se tenir en novembre 2019, mais que le président turc a avancées de 16 mois, dans l’espoir de maximiser ses chances de l’emporter. Ses principaux rivaux dans la course à la présidentielle y sont évidemment allés de leur tweet, partageant eux aussi TAMAM.

En fait, c’est toute l’opposition – des islamistes aux pro-kurdes – qui a repris ce mot en guise de cri de ralliement. Rusen Cakir, journaliste de renom, fait d’ailleurs remarquer sur Twitter que Recep Tayyip Erdoğan a offert un slogan commun à tous les partis d’opposition, alors que ces derniers ne sont jamais parvenus à s’unir pour vaincre le président dans les urnes.

Le pouvoir embarrassé

Mahir Ünal, le porte-parole de l’AKP, a tenté de minimiser l’ampleur du phénomène en accusant, comme d’habitude, des organisations terroristes d’avoir tout manigancé. Selon lui, la plupart des messages reprenant le mot TAMAM ont été envoyés par des « robots », c’est-à-dire par des programmes informatiques dont la majorité seraient basés à l’étranger, dans des pays qui soutiendraient, toujours selon lui, le PKK kurde et le réseau de l’imam Fethullah Gülen, le cerveau désigné du putsch manqué de 2016.

Quant aux partisans du président, ils tentent aussi de se mobiliser sur Twitter avec le slogan DEVAM, qui signifie « encore », mais avec beaucoup moins de succès.

Les réseaux sociaux, élément mobilisateur important

Dans un pays où les médias sont presque tous aux ordres du pouvoir, les réseaux sociaux et notamment Twitter, bien que très surveillés, constituent le principal espace d’expression du mécontentement vis-à-vis du régime autoritaire de Tayyip Erdoğan.

A six semaines des élections, le président turc se serait bien passé du phénomène TAMAM. Cela lui rappellera sans doute ses mots de 2013, où il avait qualifié les réseaux sociaux de « fléau ».

RFI