Du silence, des serments et de la gravité. Le Sénat a ouvert solennellement, jeudi 16 janvier, le procès en destitution de Donald Trump, le troisième de l’histoire des Etats-Unis. « C’est une mascarade, c’est une honte », a tonné le milliardaire républicain, tout en affichant son optimisme sur une issue rapide à cet épisode qui entache sa campagne de réélection. « Ça devrait aller très vite… », a-t-il déclaré, en comptant sur la majorité républicaine du Sénat pour être acquitté sans avoir à subir de longs débats.
Son procès, qui divise autant la classe politique que le pays, a débuté quand sept élus démocrates de la Chambre des représentants se sont présentés au Sénat pour lire l’acte d’accusation adopté le 18 décembre par leur assemblée. « Donald John Trump, président des Etats-Unis, a été mis en accusation pour des crimes et délits graves », a énoncé Adam Schiff, qui dirige cette équipe chargée du rôle de procureur. L’ancien magnat de l’immobilier « a agi d’une manière contraire à la confiance placée en un président et subversive pour la conduite du gouvernement », a-t-il poursuivi d’un ton grave, empreint d’émotion. Après une pause, les parlementaires sont revenus dans l’hémicycle pour prêter serment devant le chef de la Cour suprême des Etats-Unis, John Roberts, chargé par la Constitution de présider le procès. Ils ont collectivement juré de rendre la justice « de manière impartiale en accord avec la Constitution et les lois », devant le plus haut magistrat des Etats-Unis qui, drapé dans sa toge noire, a prononcé le même serment, la main sur la Bible. Dans le plus grand silence, les sénateurs ont ensuite signé, par groupes de quatre, un « livre de serment » pour inscrire noir sur blanc leur engagement. L’audience a alors été ajournée jusqu’à mardi 13 heures (19 heures à Paris), quand les débats débuteront véritablement. « Le poids de l’histoire est sur nos épaules », a commenté le chef de la minorité démocrate au Sénat, Chuck Schumer, à la sortie de l’hémicycle.
Donald Trump, qui ne devrait pas comparaître en personne, est visé par deux chefs d’accusation : abus de pouvoir et entrave à la bonne marche du Congrès.
Selon l’acte d’accusation, il a demandé à l’Ukraine d’enquêter sur Joe Biden, son rival potentiel à la présidentielle de novembre, et exercé des pressions pour obtenir gain de cause, notamment en gelant une aide militaire cruciale pour ce pays en guerre avec la Russie.
Une fois ce chantage révélé, il a entravé l’enquête du Congrès, en interdisant à ses conseillers de témoigner ou de fournir des documents, relève encore le document. Donald Trump a répété jeudi n’avoir « rien fait de mal », se posant à nouveau en victime d’une « mascarade bidon » orchestrée par les démocrates, qui contrôlent la Chambre des représentants.
Les élus républicains, qui disposent, eux, de la majorité au Sénat, font jusqu’ici bloc autour de lui. Leur chef à la Haute Chambre, Mitch McConnell, a encore critiqué jeudi matin l’enquête menée par la Chambre des représentants, « une performance visiblement partisane ». Mais, a-t-il poursuivi, « l’heure de la Chambre est finie, c’est au tour du Sénat » et « cette assemblée existe pour que nous puissions (…) mettre de côté nos bas instincts ». Un haut responsable de l’administration a estimé que le procès ne devrait pas durer plus de deux semaines. Pendant cette période, les cent sénateurs devront assister aux audiences, sans sortir de la salle et en respectant le plus grand silence. S’ils ont des questions pour les parties, ils devront les poser par écrit à John Roberts, qui les lira à voix haute.
Adam Schiff, l’une des bêtes noires de Donald Trump, portera l’accusation. Chef de la commission du renseignement de la Chambre des représentants, l’élu de 59 ans a supervisé l’enquête contre le président, qui l’a rebaptisé « Schiff le fourbe ». Pour obtenir la destitution, il lui faudrait une majorité des deux tiers à la Haute Chambre, soit rallier 20 sénateurs républicains, ce qui paraît impossible.
Les démocrates espèrent malgré tout que le procès fera émerger de nouveaux éléments embarrassants pour Donald Trump, et réclament l’audition de quatre proches conseillers du président. « L’intégrité du Sénat est aussi en procès », a déclaré la sénatrice démocrate Kamala Harris, en espérant que ses collègues républicains accepteront cette requête.
Hasard du calendrier : un organisme indépendant de contrôle du gouvernement a apporté jeudi de l’eau à leur moulin, en estimant que la Maison Blanche avait « enfreint la loi » en suspendant les fonds destinés à l’Ukraine au cœur du scandale. « Cela renforce encore le besoin d’avoir de nouveaux documents et des témoins au procès », a commenté la chef démocrate de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi.