La peur du coronavirus gagne la Chine alors que les autorités sanitaires ont également rapporté près de 140 nouveaux cas ce week-end, dont, pour la première fois, deux dans la capitale, Pékin
A quelques jours des fêtes du Nouvel An lunaire, qui tombe cette année le 25 janvier, la peur du coronavirus gagne peu à peu la Chine. Lundi, l’extension de l’épidémie constituait de loin le principal sujet de discussion sur les réseaux sociaux. Il est vrai que, depuis deux semaines, les Chinois s’interrogeaient et ironisaient : comment se fait-il que ce virus qui semble être apparu en décembre 2019 sur un marché aux poissons à Wuhan (Hubei) ait pu contaminer près de 200 personnes dans cette ville du centre-est du pays, mais aussi des voyageurs en provenance de Wuhan à Hongkong, en Corée du Sud, au Japon et en Thaïlande, tout en épargnant les autres villes de Chine continentale ?
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Depuis ce week-end, la plaisanterie n’est plus de mise et les autorités sanitaires chinoises publient désormais au compte-gouttes des nouvelles peu rassurantes. Trois personnes seraient déjà mortes et environ 140 nouveaux malades auraient été recensés durant le week-end. Lundi matin, le cap des 200 cas officiellement diagnostiqués dans tout le pays a été dépassé. Le gouvernement provincial du Hubei annonçait un total de 198 cas d’infection par le virus baptisé provisoirement 2019-nCov (pour « nouveau coronavirus 2019 »), dont les 3 mortels. Quatre-vingt-dix patients sont en observation, 170 hospitalisés. A ces chiffres régionaux s’ajoutent deux cas confirmés à Pékin et un à Shenzhen, dans la province du Zhejiang, où se trouve Shanghai.
L’épidémie de SRAS de 2003, qui a tué environ 650 personnes, est dans tous les esprits
Dans la capitale, les hôpitaux commencent à mettre en place des procédures d’urgence pour traiter les malades atteints de fièvre et distribuent des masques. Nombre de parents interrogent les écoles pour savoir quelles précautions prendre. Même si Le Quotidien du peuple, l’organe du Parti communiste, reste silencieux sur le sujet, tout comme le journal télévisé CCTV dimanche soir, d’autres médias comme le Global Times estiment que « la société chinoise doit rester vigilante, mais ne doit pas paniquer ». Ce quotidien nationaliste qui publie sur son site une vidéo intitulée « La Chine n’a aucune raison de cacher la vérité concernant la nouvelle pneumonie » reconnaît qu’« au début du SRAS, il y a eu dissimulation en Chine. Cela ne doit pas se répéter ».
De fait, l’épidémie de syndrome respiratoire aigu sévère de 2003, qui a tué environ 650 personnes, est dans tous les esprits. On sait que le virus actuel est cousin de celui responsable du SRAS. On ne connaît toutefois ni l’origine précise, ni la durée d’incubation, ni le mode de propagation du nouveau coronavirus. On ne peut exclure qu’il se transmette directement entre humains. Depuis la crise sanitaire du SRAS, nombre de Chinois n’ont confiance ni dans la communication du gouvernement ni dans le système de santé publique.
Le fait que des centaines de millions de Chinois s’apprêtent à se déplacer dans les jours qui viennent à travers tout le pays à l’occasion des fêtes du Nouvel An ne fait que renforcer cette crainte. Surtout qu’à cette période de l’année les professionnels de santé prennent également leurs congés annuels.
La peur d’une contamination gagne également l’étranger. Plusieurs aéroports américains ont mis en place des systèmes de surveillance des passagers arrivant de Wuhan afin d’identifier ceux qui seraient fiévreux. Il est vrai que, si la Chine se montre moins opaque que lors des trois premiers mois de l’épidémie de SRAS en 2003, des scientifiques du monde entier sont sceptiques sur l’exhaustivité des statistiques publiées par les autorités chinoises.
Fortes incertitudes
Les arrivées de cas se succèdent par paquets après une période où le bilan avait été révisé à la baisse. Samedi, les autorités sanitaires de Wuhan annonçaient 59 nouveaux cas et un décès. Le lendemain, 77 nouveaux cas venaient s’ajouter. Depuis que la séquence génomique du 2009-nCoV a été décryptée, un test diagnostique spécifique a été mis au point, ce qui permet une détection plus performante. Davantage de cas peuvent ainsi être identifiés, mais l’accroissement notable du nombre de cas confirmés pourrait aussi être le signe d’une propagation plus forte que ce qui était déclaré.
Selon une évaluation publiée vendredi par des experts britanniques travaillant pour le centre mondial d’analyse des maladies infectieuses de l’Imperial College de Londres, le nombre de personnes contaminées par le nouveau coronavirus pourrait tourner autour de 1 700. Une estimation qui comporte de fortes incertitudes : la fourchette du nombre estimé de cas pourrait aller de 400 à 4 000 cas.
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Une question clé pour l’extension de l’infection est celle de la transmission de personne à personne. « Le cas identifié au Japon relève d’une transmission interhumaine, ont conclu nos confrères japonais et, connaissant la dynamique des infections à coronavirus, il serait surprenant qu’elle n’existe pas, même si au départ le virus passe d’un animal à l’homme, souligne le Pr Yazdan Yazdanpanah, chef du service des maladies infectieuses et tropicales à l’hôpital Bichat (Paris). Mais une chose est sûre, nous sommes beaucoup mieux préparés et prêts à agir que lors de l’épidémie du SRAS en 2003. »