Il était bien seul, le 24 janvier 2019, pour son investiture. Aucun chef d’État n’avait fait le déplacement, à l’exception notable d’Uhuru Kenyatta, le président kényan. L’élection de Félix Tshisekedi apparaissait alors comme le fruit d’un calcul politique du président sortant, Joseph Kabila. Leur dauphin, Emmanuel Shadary ayant été sèchement désavoué dans les urnes au profit de son principal rival, Martin Fayulu, le clan Kabila aurait proposé au candidat Félix Tshisekedi d’être proclamé vainqueur en échange de quoi, le clan garderait la main dans bien des domaines. Un scénario peu crédible ?
En janvier 2019, tout le monde le pensait, et presque tout le monde le disait publiquement à commencer par la France qui estimait que le résultat de l’élection présidentielle n’était « pas conforme » aux attentes, et que l’opposant Martin Fayulu en était « a priori » le vainqueur. Et par le président de la commission de l’Union africaine (UA), Moussa Faki Mahamat, qui appelait à une contestation pacifique des résultats.
Une victoire diplomatique internationale
Un an après, l’injure et le doute sont oubliés, effacés. C’est le résultat le plus éclatant remporté par le président si mal élu : être parvenu à un si total retour de situation sur le plan international. Non seulement, plus personne ne conteste les conditions de son élection, mais en plus, il est accueilli et soutenu avec chaleur et empressement par l’ensemble de la communauté internationale : de l’Union africaine à Pékin, de Londres à Paris, de Washington à l’ONU.
Du point de vue diplomatique, donc, la première année du quinquennat de Felix Tshisekedi est une véritable réussite. Et pour la RDC, un retour gagnant sur la scène internationale après les années d’effacement et d’isolement de la période Joseph Kabila.
Une nouvelle dynamique sous-régionale
Non seulement il a obtenu une reconnaissance et un soutien international – il a été reçu à la Maison-Blanche, à Bruxelles, à l’Élysée –, mais il a aussi redynamisé ses relations avec les pays frontaliers de son territoire le plus exposé à la violence et l’insécurité, le nord et le sud Kivu, dans l’Est. Toute cette première année a été rythmée par ses visites et ses démarches auprès de ces pays avec qui les relations n’ont jamais été très faciles, pacifiant ses rapports avec eux et défendant l’idée de constituer un état-major intégré avec l’Ouganda, le Rwanda, le Burundi et la Tanzanie.
Un projet ambitieux qui, bien qu’il n’ait pas abouti réellement, a permis cependant de renforcer l’axe Kinshasa-Kigali : les deux pays sont engagés aujourd’hui, dans une offensive conjointe contre deux groupes armés qui sèment la terreur dans le Kivu, les Forces démocratiques alliés (ADF) d’origine ougandaise et les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), la rébellion issue des rangs de ceux qui ont commis le génocide des Tutsis au Rwanda.
Les avancées sur le plan intérieur
Au moins deux grands changements sont à mettre au crédit du nouveau président. Comme il s’y était engagé lors de son investiture, il a bien libéré des prisonniers politiques. En mars, il a accordé une « liberté conditionnelle » à quelque 700 détenus, dont des détenus politiques comme Franck Diongo, le chef d’un parti d’opposition et député de Kinshasa, arrêté fin 2016 et condamné à cinq ans de prison, et Firmin Yangambi, membre du barreau de Kisangani, arrêté en 2009, accusé de préparer un coup d’État et condamné à 20 ans de prison. Sur le même plan, il a permis le retour de grands opposants comme Jean-Pierre Bemba ou Moïse Katumbi. De sorte que sur le plan politique, le climat en RDC est moins tendu que sous l’ancien président. De même avec l’institution catholique. La relation avec Joseph Kabila était des plus tendues, elle apparaissait comme son principal opposant. La situation a changé avec le nouveau président. Pourtant, l’Église avait elle aussi déclaré, en janvier 209, que les résultats de l’élection présidentielle « ne correspondent pas » aux données qu’elle avait récoltées. Mais elle a pris acte du résultat et appelé les Congolais à ne pas se diviser. Le pape François a même reçu le président Tshisekedi au Vatican, le 17 janvier 2020.
Des promesses non tenues
Parmi les promesses non tenues, la gratuité de l’école pour la rentrée 2019. Le principe a effectivement été acté et annoncé mais le financement de cette réforme n’a pas été pas assuré. Il y avait aussi la lutte contre la corruption. À ce jour, rien n’a changé de façon significative. Pire, plusieurs affaires touchent des proches du président comme son influent directeur de cabinet, Vital Kamerhe : son ombre plane sur le détournement de 15 millions de dollars. Le mode de gouvernance sous le nouveau président ne s’est pas rationalisé. Son gouvernement ne compte pas moins de 66 ministres, pour un coût de fonctionnement de 700 millions de dollars (630,5 millions d’euros) par an. À cela s’ajoutent une armada de conseillers (110) et ses voyages à l’étranger où il est toujours accompagné d’une importante délégation.
Le rôle de Kabila
Son rôle reste toujours central même s’il n’apparaît plus publiquement. Sur ce point, rien n’a vraiment changé en RDC. Le parti de l’ancien président contrôle toutes les grandes institutions du pays, a commencé par l’exécutif : le premier ministre et la très grande majorité des ministres du gouvernement et des gouverneurs de provinces sont issus de son parti. Il garde encore le contrôle du législatif puisqu’il a la majorité à l’Assemblée nationale et au Sénat, et sur les forces de sécurité qui n’ont pas été réformées : la garde républicaine et l’armée sont toujours entre les mains d’hommes liges de l’ancien président.