À la Une: la vague arrive

« L’image est glaçante », frissonne Le Parisien : « J’ai vu hier un camion frigorifique se garer devant l’hôpital. Il est là pour pouvoir stocker les cadavres, au cas où la morgue de l’établissement n’aurait plus la place suffisante pour les accueillir. Espérons que cela ne sera pas nécessaire. » Propos tenus mercredi par un praticien hospitalier travaillant en Ile-de-France. Il poursuit : « Lorsqu’une personne meurt, la famille n’a que quelques minutes pour voir le corps et on leur dit de partir. C’est très dur. »

Commentaire du Parisien : « Ce terrible récit rappelle ceux des pompes funèbres débordées lors de la canicule de 2003 et résume à lui seul la situation à laquelle l’Ile-de-France, après la région Grand-Est, doit désormais faire face. » En effet, relève le journal, « la région parisienne, qui compte à elle seule plus de 1 000 personnes hospitalisées en réanimation, est maintenant la plus exposée en nombre de cas. (…) La « vague » arrive. Personne ne peut en prévoir la hauteur, mais elle pourrait être terrible. »

Hier, « le directeur général de l’Assistance publique des hôpitaux de Paris, Martin Hirsch, a sonné l’alarme, relève Libération : l’hôpital s’approche du point de rupture. Les lits et le matériel manquent, les personnels soignants sont submergés, et de plus en plus sont atteints par le Covid-19. (…) Après ceux de la région Grand Est, les hospitaliers d’Ile-de-France seraient (donc) à leur tour sur le point d’être submergés par la vague épidémique. (…) L’hôpital s’approche du point de rupture. Il y a désormais urgence, estime Libération, à battre le rappel de tous les soignants. Urgence aussi à obtenir de l’État, si parcimonieux vis-à-vis de l’hôpital public ces dix dernières années, qu’il donne aux soignants les moyens du combat et récompense sans attendre leur dévouement. »

Hécatombe dans les maisons de retraite

La situation est particulièrement difficile dans les Ehpad. C’est ce que pointe Le Figaro. « La crise sanitaire devient très critique dans les maisons de retraite pour personnes dépendantes, qui accueillent près de 850 000 résidents. Plusieurs établissements sont débordés par une mortalité forte et inhabituelle. (…) L’hécatombe serait telle qu’ici et là les cercueils s’entasseraient dans des chambres froides improvisées à la hâte. »

Et Le Figaro de hausser le ton : « N’aurions-nous rien retenu de la canicule de 2003 ? Certes, nul n’avait prévu que la menace viendrait un jour d’une pandémie. Si des ventilateurs et climatiseurs ont bien été installés depuis, la distribution préventive de boucliers antivirus n’a pas été envisagée. Dans le confinement de ces établissements, les masques, gants, gels et combinaisons manquent aujourd’hui cruellement. Les tests épidémiologiques aussi, et surtout qui auraient permis d’isoler les sujets contaminés sitôt l’alerte donnée, technique la plus efficace pour éviter la contagion. Désarmés, conclut Le Figaro, les Ehpad, transformés en foyers de haute contamination, pleurent leurs morts, crient leur désarroi, appellent au secours. »

Une crise économique comparable à celle des années 1930 ?

« Derrière la crise sanitaire, la crise économique », s’inquiète pour sa part Le Monde. Le Monde qui cite cette phrase tirée du roman de Steinbeck Les Raisins de la colère : « Et dans les yeux des affamés, la colère grandit, et poussent dans l’âme du peuple les raisins de la colère… »

En effet, on craint une dépression comparable à la crise de 1929. « Progressivement, les milieux d’affaires prennent la mesure d’une économie qui s’est mise à l’arrêt d’un coup, comme on souffle une bougie, relève Le Monde. Aussi, beaucoup poussent pour le maintien d’une activité économique en dépit du confinement. »

Mais « la situation, aujourd’hui, est inédite, remarque le quotidien du soir. Pas de banques fragiles, mais un arrêt brutal et simultané de la demande – les personnes confinées n’achètent plus de voitures – et de l’offre – toutes les usines automobiles européennes sont désormais à l’arrêt. C’est bien ce danger d’une économie en dépôt de bilan qui effraie ministres, économistes et patrons, et réveille le fantôme des Raisins de la colère. Il faut à tout prix empêcher les faillites. Et, pour cela, plus qu’un maintien illusoire en activité, « il faut faire open bar », affirme l’économiste Patrick Artus : « L’Etat paye les factures pendant la durée de la crise ». Et Daniel Cohen, autre économiste d’ajouter : « il s’agit de s’assurer que personne ne licencie. Objectif zéro chômeur ». Cette intervention de l’État, estime Le Monde, est susceptible à elle seule de nous éviter de sombrer dans la dépression, comme l’Amérique des années 30. »

rfi