Les malades du rein sont particulièrement vulnérables face à la pandémie de Covid-19. Les médecins notent aussi que la maladie, encore partiellement connue, peut entrainer des problèmes rénaux chez des patients qui n’en avaient pas jusqu’ici. Avec des conséquences à long terme, prévient Brad Rovin, directeur du département de néphrologie à l’université d’État de l’Ohio.
RFI : Quelles sont les conséquences du Covid-19 sur les reins des patients qui n’avaient jusqu’ici aucune maladie rénale connue ?
Dr Brad Rovin : Il faut faire savoir que cette maladie n’affecte pas seulement les poumons, mais aussi d’autres organes. On retrouve le virus dans le rein, il existe plusieurs publications scientifiques à ce sujet. Dans de nombreux cas, ces patients, qui n’avaient jamais eu de maladie du rein avant, développent de graves lésions rénales. En fonction de la gravité et de la durée de l’infection pendant leur combat contre le Covid-19, ces patients peuvent développer une insuffisance rénale chronique. Une étude chinoise montre aussi que de nombreux patients ont des quantités notables de protéine et du sang dans les urines, ce qui suggère là encore, que le virus atteint directement le rein. Même si l’on a encore beaucoup de choses à apprendre de ce virus, je pense que nous verrons les conséquences de cette maladie dans les services de néphrologie sur le long terme.
Vos patients habituels, atteints de maladies rénales, ont plus de chances de développer une forme grave du Covid–19. Pour quelles raisons ?
Les principales maladies qui entraînent une insuffisance rénale, la nécessité de faire des dialyses ou de procéder à une greffe, sont le diabète, l’hypertension et les maladies cardiovasculaires. Les personnes qui présentent ces problèmes médicaux sont plus vulnérables et ont plus de chance de développer une forme grave du Covid-19. Nous avons donc de nombreux patients qui présentent à la fois une maladie rénale et l’une de ces comorbidités. De plus, les patients qui sont en grande insuffisance rénale n’ont pas le même système immunitaire que les autres. Ce sont aussi des patients pour lesquels la distanciation sociale est impossible : beaucoup sont obligés de se rendre trois fois par semaine à l’hôpital pour faire une dialyse et se retrouvent dans des lits les uns à côté des autres. Tout ceci crée un cocktail explosif pour faire de nos patients des personnes particulièrement à risque face à cette pandémie.
L’une des choses qui m’inquiète, et qui inquiète nos patients, c’est aussi la ruée sur la chloroquine (un médicament dont l’efficacité et l’opportunité de prescription pour les malades du Covid-19 sont encore âprement discutées dans le monde scientifique, ndlr). L’hydroxychloroquine est un médicament que nous prescrivons en temps normal à nos patients atteints de lupus, une maladie auto-immune, et ces derniers ont peur de ne bientôt plus pouvoir en trouver.
Comment la pandémie a-t-elle changé votre manière de travailler ? Comment avez-vous réorganisé votre service ?
Nous traitons un grand nombre de patients immunodéprimés donc nous avons renvoyé tout le monde à la maison, sauf ceux qui étaient hospitalisés. Des publications scientifiques récentes montrent que les patients qui viennent de recevoir une greffe de rein et prennent des immunosuppresseurs pour prévenir les phases de rejet, risquent beaucoup plus que les autres de développer une forme grave du Covid-19 car leur système immunitaire n’est pas capable de se défendre. Nous avons donc suspendu notre programme de greffe. L’un des bâtiments de l’hôpital est uniquement dédié à nos patients atteints du Covid-19, pour les isoler des autres. Quant aux consultations, elles se font désormais uniquement à distance, par vidéo. Actuellement, nous ne recevons que les patients très malades. Le but est aussi de limiter l’utilisation des équipements de protection pour les laisser à la disposition de ceux qui traitent les patients Covid +.
S’il y a une chose à tirer de cette crise sanitaire, c’est une réflexion sur notre manière de faire de la médecine. Jusqu’à présent nous n’utilisions la téléconsultation que dans des cas très précis, par exemple pour suivre les patients détenus dans les prisons de l’Ohio. Peut-être que cela serait utile, une fois la crise passée, de proposer ce service à nos patients qui ont des difficultés d’accès à l’hôpital ou qui travaillent pendant nos horaires de consultation. Mais j’avoue que je préfère toujours voir les patients en face à face.
Auteur : Rfi