Comme l’ensemble de la population, les footballeurs sont contraints de respecter les mesures de confinement. Et certains sont esseulés à l’étranger. La FIFPRO et l’UNFP se préoccupent de leur santé mentale.
« Je n’ai pas eu de conversations avec une personne en face de moi depuis plus d’un mois ». Christian Koffi, 19 ans, attaquant à la Fiorentina (Serie A), vit seul son confinement à Florence. Son club ayant refusé de le voir partir en France rejoindre sa famille, le Français se retrouve dans une situation d’isolement social complet. Dans un pays qui n’est pas le sien. Et il n’est pas le seul dans ce cas-là.
La FIFPRO s’inquiète de la situation de ces footballeurs
La Fédération internationale des associations de footballeurs professionnels (FIFPRO), a alerté, ces derniers jours, sur les répercussions mentales que pouvaient avoir le confinement sur les footballeurs. Surtout pour ceux vivant seuls et à l’étranger. « La santé mentale est à prendre en considération dans cette période, expliquait Jonas Baer-Hoffmann, le secrétaire général, à Reuters. Nous avons, grâce à nos études, observé un risque d’anxiété important et différents problèmes psychologiques pour les joueurs, si on les compare à la population générale. »
Une étude sur 200 joueurs et 140 joueuses à laquelle a participé le syndicat français, l’UNFP. « On a vu qu’il pouvait y avoir un mal-être et un sentiment de dépression chez certains, détaille Philippe Lafon, le directeur général. C’est un peu plus présent chez les filles. » La FIFPRO et l’UNFP alarment sur le fait qu’un footballeur peut traverser des phases d’inquiétudes plus importantes dues à la précarité de ses contrats et à l’incertitude de son futur. Ce qui est plus important dans le football féminin.
Eviter de regarder trop souvent les informations
« C’est une situation spéciale, pas facile à vivre, reprend Christian Koffi. On est loin de sa famille, ça pèse mentalement. Au début, j’arrivais à avoir une certaine routine, mais depuis plusieurs jours, je me rends compte que ça pèse sur mon sommeil et sur ma condition physique. » Thomas Sammut, ancien préparateur mental à l’OGC Nice et auteur du livre « Un cancre dans les étoiles » (Parhelie Editions) a une explication aux difficultés de certains footballeurs. « Ils n’ont plus d’étiquette en ce moment. On leur a enlevé leur quotidien. Il y a une crise identitaire qui va créer de l’angoisse. On peut comparer ça à la fin d’une carrière ou à longue blessure. C’est le même système. Les joueurs se retrouvent seuls. Et on a des études qui montrent que 50% des footballeurs, après leur carrière, souffrent. »
Pour aider ces joueurs à ne pas tomber dans un stress trop important, la FIFPRO a recommandé à ces derniers de tenir un « rythme de vie sain » en essayant de diversifier les activités à la maison et de ne pas regarder trop souvent les informations. « A l’UNFP, on a des délégués par région et par club qui gardent un contact avec les joueurs et les joueurs les plus esseulés, reprend Philippe Lafon. On a relancé tout le monde par SMS également pour rappeler qu’on était là s’ils avaient besoin. »
Se trouver de nouvelles passions
Thomas Sammut aimerait que ces derniers en profitent pour apprendre à se connaitre. « C’est un énorme travail à faire l’année, pas seulement dans cette période. Les sportifs sont aidés, leur vie est rythmée entre entraînement, repos, repas, et activités extérieures. Certains arrivent à en oublier qui ils sont. Et quand tout s’arrête, ils se retrouvent dans une situation d’inconnue, qui va amener du stress. »
Certains joueurs contactés ont ainsi expliqué avoir trouvé de nouvelles passions. La cuisine par exemple. Christian Koffi utilise lui beaucoup son téléphone pour garder des interactions sociales. « Les réseaux sociaux, ça aide beaucoup. FaceTime aussi, avec ma famille au téléphone. Mais ça ne remplace pas le contact humain. »
A ce sujet, Jonas Baer-Hoffmann expliquait à Reuters que la FIFPRO avait « de nombreux jeunes seuls, loin de leur famille, de leur pays, sans support » qui étaient dans une situation mentale difficile. Certains syndicats de joueurs en Europe ont d’ailleurs ouvert des numéros de téléphone sur lesquelles les joueurs peuvent se confier sur leur situation psychologique. Une plateforme téléphonique mise en place en France depuis 2013 par l’UNFP. Tous les joueurs et joueuses peuvent ainsi avoir accès à un psychologue tous les jeudi entre 13 et 16 heures. « On se pose la question de notre état physique et psychologique quand on sortira de tout ça, conclut Christian Koffi. Il faudra un peu de temps pour se remettre dedans, c’est une certitude. »
igfm