Royaume-Uni: Boris Johnson devenu presque intouchable

Le gouvernement britannique doit annoncer, ce jeudi 16 avril, la prolongation du confinement, alors que le Premier ministre Boris Johnson est toujours en convalescence après sa sortie de l’hôpital.

La prolongation ne fait pas vraiment de doute, mais ce sont ses modalités qui interrogent. L’opposition britannique a essayé de mettre un peu la pression sur ce sujet ce mercredi. Keir Starmer, le nouveau chef du Parti travailliste, a rendu publique une lettre dans laquelle il exprimait ses demandes. « J’appelle le gouvernement à présenter une stratégie de sortie. Je ne demande pas une date précise. Je comprends parfaitement que ça n’est pas réaliste. Mais nous avons besoin d’en savoir plus sur les critères, les décisions prises, le cadre de ces décisions… Parce que je pense que les citoyens ont besoin de transparence et d’espoir, les citoyens ont besoin de réponses à ces questions, et ils auront davantage de confiance dans le gouvernement s’il se montre ouvert. » Les Britanniques ont besoin « de voir une lumière au bout du tunnel », dit aussi le chef du Parti travailliste. Sauf que selon la BBC, le gouvernement a déjà tranché : « Parler d’une stratégie de sortie avant que nous n’atteignions le pic de l’épidémie risque de brouiller le message crucial, qui est que les gens doivent rester chez eux ».

Une « résurrection politique »

L’annonce de la prolongation du confinement reviendra très certainement à Dominic Raab, le ministre des Affaires étrangères qui remplace Boris Johnson en convalescence. Dominic Raab qui ne prend pas vraiment de risque politique. Selon un sondage de l’institut YouGov, les Britanniques ont confiance à 68% dans la stratégie de leur gouvernement, soit une hausse de 5 points de plus que la semaine dernière, et une bonne surprise : avant son hospitalisation, la stratégie de Boris Johnson avait été très critiquée. Pour Philippe Marlière, professeur de sciences politiques à l’University College de Londres, « cette hospitalisation, pour des raisons qui tiennent à un élan de sympathie, à l’émotion que son état a suscité, fait qu’il est renforcé. C’est une forme de résurrection politique. Boris Johnson a les moyens maintenant de prendre des décisions, notamment un renforcement du NHS, le système de santé britannique ».

Les inquiétudes sur le manque de masques et de tests ou la difficile situation des personnes âgées et des soignants dans les maisons de retraite, n’atteignent pas la popularité du Premier ministre. Le défenseur du Brexit qui a même salué dans une vidéo, après son hospitalisation, le personnel médical étranger qui a pris soin de lui.

La date du Brexit maintenue

Près de 13 000 morts sont déjà à déplorer dans les hôpitaux et une violente récession se profile comme ailleurs dans le monde, avec probablement deux millions de chômeurs en plus, selon les prévisions. Mais le gouvernement a prévenu : pas question de dévier de la sortie de l’UE, prévue le 31 décembre. L’annonce a été faite ce mercredi.

Trois réunions de négociations sont prévues ; la première se tiendra lundi prochain. Un choix difficile à comprendre pour Philippe Marlière. « Je ne connais aucun commentateur ou expert dans le domaine médical ou politique qui considère que cette décision soit tenable, réaliste, ait un sens. Tout le monde la critique en dehors des cercles du gouvernement. On considérait déjà dans des conditions normales qu’il serait très dur de pouvoir sortir, de régler tous les dossiers, l’économie, l’immigration, qui sont extrêmement complexes et où il y a des différends importants avec l’Union européenne, d’ici le 31 décembre. Donc, avec cette pandémie et la récession économique qui va s’ensuivre, ce n’est pas pensable. »

Inattaquable à court terme, Boris Johnson va vite devoir mettre son capital politique à l’épreuve : dans quelques semaines, c’est certainement lui qui devra trancher la question majeure du déconfinement, puis répondre aux questions sur la gestion de la crise.

rfi