L’Italie a donc un nouveau visage depuis mercredi soir, celui de Giuseppe Conte, chargé par le président italien de former un gouvernement. Un visage inconnu pour de très nombreux Italiens puisque cet avocat et professeur de droit n’a pas d’expérience en politique.
Avec notre correspondant en Italie, Eric Sénanque
C’est une équation pour le moins délicate que va devoir résoudre le nouveau chef du gouvernement Giuseppe Conte : comment cet homme, dont le charisme a été testé par le président Mattarella, va pouvoir guider sereinement l’Italie au milieu des ambitions de ses deux parrains, Matteo Salvini et Luigi Di Maio ?
Conte doit à présent choisir ses ministres, mais aura-t-il vraiment le choix face à la ligue et au M5S ? Le leader de l’extrême droite est pressenti pour récupérer l’Intérieur et son allié populiste, un grand ministère économique. Des perspectives peu réjouissantes à commencer pour les partenaires européens de Rome.
« Est-ce que ces personnes vont vraiment lui laisser la possibilité de travailler ouvertement et librement ?, s’interroge ainsi Giuseppe Bettoni, professeur de sciences politiques à l’Université Tor Vergata de Rome. Matteo Salvini dit qu’il aura toute l’autonomie qu’il voudra. Mais en même temps, il a proposé dans le gouvernement la création, pour la première fois, d’un comité de conciliation, c’est-à-dire un organisme qui n’existait pas auparavant et qui a comme seul but de négocier les dossiers que le gouvernement aura à gérer et qui ne plaisent pas ou à l’un ou à l’autre. Est-ce qu’à ce moment-là, Conte aura vraiment un rôle à jouer ? C’est une chose qu’on va découvrir. »
Originaire des Pouilles, dans le sud-est de l’Italie, l’un des bastions électoraux du mouvement antisystème Cinq étoiles, Giuseppe Conte est âgé de 54 ans. Il est juriste et professeur de droit à Florence et à Rome, mais son parcours universitaire, brillant aux yeux de ses sympathisants, a été quelque peu mis en doute ces derniers jours. Il n’aurait fait qu’un passage, resté inaperçu, dans plusieurs universités prestigieuses, notamment du monde anglo-saxon, cité pourtant dans son curriculum vitae.
ANALYSE
La presse s’interroge
Ce jeudi matin, la presse italienne se fait bien sûr largement l’écho de la nomination de Conte et le moins que l’on puisse dire c’est que les incertitudes ne sont pas dissipées. « Le soulagement de la fin des négociations pour la formation d’un gouvernement n’enlève pas les préoccupations », écrit ainsi Corriere della Sera. « On ne sait pas encore vraiment si la troisième République a commencé », note l’éditorialiste de la Repubblica sans trop d’optimisme car « dans l’éternelle transition italienne trop de Républiques sont déjà mortes ».
A lire la presse, il y a des raisons de douter du numéro d’équilibriste que Giuseppe Conte va devoir jouer. La personnalité du nouveau président du Conseil est aussi très commentée : « Un inconnu au palais Chigi », écrit encore le Corriere. Le Fatto Quotidiano, classé à gauche et plutôt favorable au Mouvement 5 étoiles explique qu’il faut donner une chance à Conte, car c’est jour après jour qu’il sera jugé.
Et une remarque a été très commentée en Italie – reprise notamment par le quotidien d’affaires Il Sole 24 ore – celle de Matteo Renzi : « Conte est l’avocat du peuple italien ? Alors nous nous constituons partie civile », a lancé président du Conseil sur Twitter.