Des milliers de manifestants contre les violences policières se sont rassemblés ce mardi soir devant le palais de justice de Paris à l’appel du comité de soutien à la famille d’Adama Traoré, jeune homme noir de 24 ans mort en 2016 après son interpellation.
Ils se sont réunis pour Adama Traoré, mais aussi pour dénoncer les préjugés et le racisme ambiant qu’ils disent percevoir en France. Selon la préfecture de police, ils étaient 20 000 rassemblés mardi soir sur le parvis du nouveau palais de justice de Paris et dans les rues alentours. Des jeunes de toutes origines, mais aussi des Gilets jaunes. Sur leurs pancartes, « We will not be silent », « Silence = asphyxie » ou encore « Décolonisons la police ».
« Aujourd’hui, ce n’est plus que le combat de la famille Traoré, c’est votre combat à vous tous », leur lance Assa Traoré, la sœur aînée du jeune homme décédé le 19 juillet 2016 dans la caserne de Persan, près de deux heures après son arrestation à Beaumont-sur-Oise (Val-d’Oise) au terme d’une course-poursuite avec les gendarmes. « Aujourd’hui, quand on se bat pour George Floyd, on se bat pour Adama Traoré », continue-t-elle, en référence à cet Afro-Américain de 46 ans asphyxié par un policier blanc, et dont la mort il y a une semaine a déclenché aux États-Unis des manifestations contre les brutalités policières, le racisme et les inégalités sociales.
Dans la foule des manifestants de ce mardi, Junior, 24 ans, dit avoir été contrôlé à plusieurs reprises avant d’arriver sur le lieu du rassemblement. « C’est comme si on était toujours suspect de quelque chose », dénonce-t-il au micro de notre journaliste, Pierre Olivier. Un sentiment partagé par Naofel et Samir pour qui le cas tragique d’Adama Traoré révèle au grand jour ce qu’ils vivent au quotidien. « C‘est le délit de sale gueule, juste parce qu’on est noir ou arabe. »
Aya, artiste à Paris, raconte aussi cette discrimation ordinaire : « Il faut toujours que je joue des rôles de Noire. On va toujours me ramener à ma couleur de peau, mes origines, me demander d’où je viens. Il faut toujours que je me justifie d’être noire. »
Quatre ans après, l’affaire Traoré est devenue celle d’une guerre d’experts. Alors que trois expertises médico-judiciaires ont écarté la responsabilité des gendarmes en invoquant l’état de santé d’Adama Traoré, une nouvelle expertise commandée par la famille, dévoilée ce mardi, affirme le contraire. Son auteur considère que le jeune homme est mort d’un syndrome asphyxique faisant suite à un œdème cardiogénique. Il attribue ce dernier à « une asphyxie positionnelle induite par le plaquage ventral », revenant à pointer la technique d’interpellation des gendarmes. « Aucune autre cause du décès n’est identifiée », ajoute-t-il.
Alors que le rassemblement se dispersait, des premiers heurts ont éclaté entre manifestants et forces de l’ordre qui ont répondu à des jets de projectiles par des gaz lacrymogènes. Les manifestants se sont ensuite dispersés dans les rues alentours et sur le boulevard périphérique. Sur l’artère surplombée par les volutes de fumée, des centaines d’entre eux ont bloqué les voitures, les laissant passer au compte-gouttes. Des affrontements sporadiques ont éclaté sur le périphérique, où des policiers ont reçu des jets de pierre et répliqué en tirant avec les LBD. Dans les rues, des barricades ont été érigées et des vélos ont été incendiés.
Mardi matin, la préfecture de police avait annoncé que la manifestation n’était pas autorisée en raison de l’état d’urgence sanitaire qui proscrit tout rassemblement public de plus de dix personnes, car elle n’avait « fait l’objet d’aucune déclaration préalable ». La PP estimait également que « la tonalité de l’appel à manifester relayé par les réseaux sociaux laissait craindre que des débordements aient lieu sur un site sensible ».
Auteur : Rfi