L’Irlande se rend aux urnes ce 25 mai pour un référendum historique sur la suppression de l’interdiction constitutionnelle de l’avortement. Le sujet agite la société depuis 35 ans. Le Premier ministre Leo Varadkar parle d’une « opportunité d’une seule génération ». La campagne s’est terminée hier avec une tendance plutôt favorable au camp du « oui » à la libéralisation de l’avortement, qui se confirme dans les rues de la capitale.
Avec notre correspondant à Dublin, Julien Lagache
En Irlande, les militants des deux bords, pro et anti-avortement, auront fait campagne jusqu’au dernier moment. A Dublin, la capitale, la plupart des gens arborent des badges et tee-shirts en faveur du « oui » à la suppression de l’interdiction constitutionnelle de l’interruption volontaire de grossesse (IVG).
Pour Beth Hayden, 25 ans, il ne faut cependant pas crier victoire trop vite. « Au dernier référendum, les sondages donnaient un écart plus important qu’au résultat final, rappelle-t-elle.Cela me rend un peu nerveuse. Ce sera serré, c’est sûr, mais je pense qu’on peut le faire ».
Au contraire, Sorcha Nidomhnaill, 19 ans, qui milite pour le « non », se dit confiante au regard de ses discussions avec les gens dans la rue. « On a de très bons retours, surtout depuis deux semaines, explique-t-elle. On entend beaucoup de gens changer d’avis, des gens qui étaient encore hésitants mais qui finissent par être contre l’avortement ».
La jeunesse, majoritairement pro-IVG, aura été l’un des fers de lance de cette campagne. Pour Sorcha Lowry, désormais installée à New York, il était impossible de ne pas rentrer pour l’occasion. « C’était très important pour moi de faire partie de ce scrutin, il m’a fallu dépenser de l’argent que je n’avais pas pour rentrer, raconte-t-elle. Mais ne pas voter aurait ressemblé à un vote pour le « non ». Donc je devais rentrer voter ».
L’enjeu: le vote des indécis
Reste à savoir si ce vote « historique » dopera la participation alors que le nombre d’inscrits lui est déjà en forte hausse. La libéralisation de l’avortement pourrait être acquise de justesse dans ce pays à forte tradition catholique, marquant l’évolution des mœurs, trois ans après la légalisation du mariage homosexuel. Si le « oui » est en tête des sondages, il faut rester prudent pour Agnès Maillot, professeure à l’université de Dublin.
« Si on en croit les sondages, ils ont une avance relativement confortable : à peu près 42% pour le« non » contre 58% pour le « oui », explique-t-elle. Mais cela ne tient pas compte des indécis qui sont encore très nombreux et qui sont ceux qui changeront la donne ». Il existait aussi un écart très important au dernier référendum de 2015 sur le mariage pour tous, qui s’est resserré le jour du vote à cause du vote des indécis mais où le « oui » l’avait remporté avec 62%.
Mais, poursuit Agnès Maillot, « c’est un débat extrêmement clivé et ceux du côté du « oui » ne se qualifieraient peut-être pas de pro-avortement. C’est beaucoup plus complexe puisqu’il s’agit en fait d’abroger une clause de la Constitution qui donne la priorité à la vie de l’enfant à naître même en cas de dysfonctionnement ou de péril à la vie de la mère ».