L’impact du Covid-19 sur les réfugiés, Près de 80 millions de personnes déplacées de force

Le nombre de réfugiés a quasi doublé en dix ans, selon le nouveau rapport annuel du Haut-Commissariat aux Réfugiés de l’ONU. Le Covid-19 a de plus aggravé leur situation humanitaire.

Guerres, violences, persécutions, insécurité alimentaire ou dérèglements climatiques : autant de raisons qui ont poussé 79,5 millions de personnes à fuir leur maison ou leur pays en 2019. C’est le constat du dernier rapport annuel du Haut-Commissariat aux réfugiés de l’ONU (HCR), paru ce jeudi 18 juin. Ce chiffre, en constante augmentation, a même quasiment doublé en une décennie : on recensait 41 millions de personnes déplacées de force en 2010. En 2018, elles étaient 70,8 millions.

Parmi ces 79,5 millions, le HCR compte 26 millions de réfugiés (protégés par ce statut), 3,6 millions de Vénézuéliens déplacés à l’extérieur de leur pays (réfugiés ou non), 45 millions de personnes déplacées à l’intérieur même de leur pays, et enfin 4,2 millions de demandeurs d’asile. Près de 80 millions, dont 40% de mineurs, c’est «un triste record» pour Céline Schmitt, porte-parole du HCR France, puisqu’il s’agit également du plus haut chiffre jamais enregistré depuis 70 ans, à la date de création du HCR.

80% déplacés dans des pays en voie de développement
De ce rapport, il ressort également que 80% des personnes déracinées se retrouvent dans des pays en voie de développement (souvent des pays voisins), déjà affectés par l’insécurité alimentaire ou d’autres risques liés aux catastrophes climatiques, ce qui rend leur accueil d’autant plus difficile.

La Turquie est le pays qui accueille le plus de personnes déplacées (3,6 millions). La Colombie arrive deuxième avec 1,8 million de personnes prises en charge (majoritairement des Vénézuéliens). Suivent alors le Pakistan (1,4 million) et l’Ouganda (1,4 million), puis l’Allemagne (1,1 million).

68% proviennent de cinq pays : Syrie, Venezuela, Afghanistan, Sud-Soudan, Birmanie
En 2019, plus de deux tiers (68%) des 79,5 millions de personnes déplacées étaient originaires de seulement cinq pays : la Syrie (6,6 millions), le Venezuela (3,7 millions), l’Afghanistan (2,7 millions), le Sud Soudan (2,2 millions) et la Birmanie (1,1 million).

La plupart de ces situations de déplacements forcés s’éternisent sur plusieurs années. Peu de solutions parviennent à émerger. Ainsi, en 2019, seulement 300.000 personnes avaient réussi à retourner sur leur terre natale.

Des conflits qui perdurent et de nouvelles crises émergentes
Comment expliquer cette augmentation constante au cours de cette dernière décennie ? D’une part, par la persistance de nombreux conflits non réglés en divers endroits de la planète.

Le conflit en Syrie, toujours en cours, a débuté en 2011. En Afghanistan, les guerres civiles et incluant des puissances internationales se succèdent depuis 1979, entraînant d’incessants déplacements de population. Au sud Soudan, la guerre civile dure depuis 2013 – et fait suite à une première guerre civile ayant duré de 1983 à 2005). En Birmanie, la guerre civile fait rage depuis l’indépendance du pays en 1948 : les gouvernements centraux successifs n’ont de cesse, depuis, de lutter contre une myriade de rébellions séparatistes, tandis que d’autres rébellions ethniques ont éclaté au début des années 1960. Et perdurent depuis.

D’autre part, à ces conflits au long cours, se sont ajoutées de nouvelles crises plus récentes, comme en témoigne la crise politique et économique au Venezuela, initiée par la mort d’Hugo Chavez en 2013, qui a conduit à l’exode de plus de 4 millions de Vénézuéliens.

La région ouest-africaine du Sahel est en proie, ces dernières années, à de multiples crises interconnectées, combinant sécheresse, crise alimentaire, et une insécurité générale liée aux actions terroristes de groupes salafistes djihadistes liés à al-Qaida ou à l’État islamique. Résultat : la région du Sahel compte aujourd’hui 3,1 millions de réfugiés, déplacés internes, rapatriés et personnes à risque d’apatridie. À ces multiples fléaux, s’est ajoutée la crise sanitaire du Covid-19 qui a aggravé la vulnérabilité sanitaire, mais surtout socio-économiques des personnes déplacées.

L’impact du Covid-19 sur les réfugiés
Le HCR a ainsi renforcé la prévention, l’accès à l’eau, au savon, et soutenu les systèmes de santé dans les pays les plus à risque : au Sahel, mais aussi en RDC, dans les pays de la corne de l’Afrique, de la région des grands lacs, au Bangladesh, dans les pays voisins de la Syrie ou encore au Yémen. Les États ont aussi été incités à inclure les réfugiés dans leur programme de lutte contre le virus, en matière de santé et de protection sociale.

«Le nombre de réfugiés atteint par le Covid-19 reste pour l’heure limité, souffle Céline Schmitt. En revanche, l’impact socio-économique est important : dans de nombreuses zones, les réfugiés ont perdu leur emploi journalier. Beaucoup ont vu leurs revenus baisser, et ont dû restreindre le nombre de repas pris par jour…». Le HCR a dès lors renforcé ses programmes d’aides humanitaires et lancé des appels de fonds, récemment pour le Venezuela, le Sahel et le Yémen.

Appel à la solidarité internationale et mobilisation de divers acteurs
Le nombre de personnes déplacées dans le monde va-t-il continuer, inexorablement, à augmenter et accroître la pression sur des pays hôtes, déjà en difficulté ? Difficile de prévoir l’avenir et l’issue de ces nombreux conflits à travers le monde.

Des solutions sont néanmoins préconisées par le HCR. Le pacte mondial sur les réfugiés, suivi du Forum mondial des réfugiés, en décembre 2019, a ainsi mis l’accent sur l’importance de la mobilisation de l’ensemble des acteurs de la société : «par exemple, travailler avec les acteurs du secteur privé sur des solutions innovantes, ou bien avec les banques de développement pour répondre aux besoins des réfugiés, déplacés, mais aussi des hôtes qui les accueillent», souligne Céline Schmitt, qui cite en exemple le financement de programmes de développement en matière d’accès à l’éducation pour les enfants.

«Pendant la crise du Covid-19, on a vu de nombreux élans de solidarité, reprend la porte-parole du HCR France. Le Covid-19 a montré combien notre monde était interconnecté : pour protéger une personne, tout le monde devait être protégé. C’est aussi cette solidarité dont nous avons besoin afin de trouver des solutions pour les réfugiés.»