Une journée, deux ‘’délicates’’ candidatures. Toutes, pour un troisième et ‘‘dangereux’’ mandat. Dans la matinée du jeudi dernier, c’est le Rassemblement du peuple de Guinée (Rpg) qui investit le Président Alpha Condé. Dans la soirée, Alassane Ouattara annonce sa candidat pour la prochaine présidentielle. A présent, les regards sont tournés vers le Sénégal.
Le Jeudi 6 aout 2020, deux des chefs d’Etat de la sous-région ont succombé à tentation du troisième mandat. Alassane Ouattara a déclaré sa candidature pour la présidentielle d’octobre 2020. La constitution de son pays dit pourtant, que «le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct, il n’est rééligible qu’une fois». En Guinée, Alpha Condé, a été investi par son parti.
À présent, les regards se tournent vers le Sénégal. Le président Macky Sall au discours très mystérieux sur la question, risque-t-il de subir l’influence de ses deux homologues. Va-t-il succomber à la tentation d’un troisième mandat ?
«Ouattara candidat, cela peut inspirer Macky»
«A mon avis, cette brèche de Ouattara, bien sûr, va donner des idées. Il a d’ailleurs été devancé par Alpha Condé qui est candidat pour un troisième mandat. Quand Ouattara est candidat, cela peut inspirer Macky Sall», se lance le Pr moussa Diaw, enseignant-chercheur en Science politique à l’Université Gaston Berger de Saint Louis.
Mais, pour Le Pr Ibou Sané, spécialiste en sociologie politique, maître de conférence à l’Université Gaston Berger de Saint Louis, les contextes sont différents.
«Ce n’est pas comme ça que ça marche…»
«Cela dépend des constitutions et de la personnalité des uns et des autres. Il s’agit, notamment d’une question d’éthique et de morale, le tout lié à la constitution», indique-t-il. «Les gens font un système très simple de démonstration en disant qu’en Guinée ça a marché, en Côte d’Ivoire ça va marcher donc cela veut dire qu’au Sénégal ça va marcher. Non. Ce n’est pas comme ça que ça marche », précise l’enseignant, auteur de l’ouvrage «Famille et politique en Afrique».
«Les règles du jeu doivent être respectées»
Mieux, le Pr Moussa Diaw est convaincu que, même si le chef de l’Etat était tenté de suivre la voie empruntée par ses homologues ivoirien et guinéen, les sénégalais ne vont pas se laisser «berner». Pour lui, les «règles du jeu et la loi fondamentale, qui limitent le nombre de mandats doivent être respectées.» De plus, tenter un troisième mandat, notamment au Sénégal, peut charrier de gros risques.
«Si au niveau juridique on peut trouver des possibilités pour faire passer la candidature au niveau du Conseil constitutionnel, sur le plan politique c’est hasardeux et dangereux. A mon avis cela risque de créer des situations ingérables et incalculables. Et le président est bien placé pour faire cette analyse et ne pas se lancer dans cette aventure-là», alerte enseignant-chercheur.
Le point sur lequel ces deux universitaires se rejoignent, c’est la faisabilité de cette candidature. Tel qu’elle est actuellement rédigée, la constitution sénégalaise n’écarte pas clairement une troisième candidature pour l’actuel chef de l’Etat.
«Ce que j’aurais fait à sa place…»
«Il y a un interstice qui est ouvert qui peut lui permettre juridiquement de déposer sa candidature pour un 3ème mandat. Parce qu’il n’y a pas de disposition transitoire. Même les non -juristes le perçoivent. On n’a jamais voulu mettre des dispositions transitoires pour clore le débat sur cette question. Et c’est volontaire», regrette le Pr Diaw.
Le Pr Ibou Sané est du même avis. «Il peut bien briguer un troisième mandat», dit-il. Mais, «à sa place je serais parti et je me battrai pour que quelqu’un de mon parti soit élu ou alors je dirai aux sénégalais débrouillez-vous choisissez librement quelqu’un qui répond à vos attentes.»
«Ouattara veut partir, mais il n’a pas oublié…»
En effet, l’expert en sociologie politique estime qu’aujourd’hui, certains chefs d’Etat africains, dont le mandat est arrivé à expiration, veulent partir. Mais, leur problème, c’est comment partir, du fait des poursuites et autres représailles qui les attendent.
«Cela fait qu’ils sont obligés de rester au pouvoir parce qu’ils ont l’armée et l’argent. Ouattara veut partir, mais il n’a pas oublié ce qui s’est passé avant avec Gbagbo. Les gens veulent qu’ils partent Mais comment. ? c’est aux ivoiriens de lui faciliter la tâche », indique le spécialiste en sociologie politique.