Monsieur le Ministre certains sénégalais déplorent des incohérences dans les postures du Président Sall dans la lutte contre la COVID-19. Qu’en pensez vous ?
Je pense que quelques medias portent cette analyse à la suite de ce qui est de mon point de vue un malentendu. J’ai eu l’avantage d’avoir été présent à cette rencontre. Vous savez, un message c’est le contenu et la relation. En ce sens le Président Sall n’a jamais accusé les médias de faire dans le catastrophisme. Il a plutôt demandé à « ses amis » journalistes de « ne pas noircir le tableau », car le profil du Sénégal reste correct. Il a lancé un appel aux médias pour « un traitement moins alarmiste ». D’ailleurs, en parlant des médias, le Président de la République s’est appesanti sur la nécessité de renforcer les capacités des journalistes en matière de traitement de l’information sanitaire dans un contexte de pandémie et de communication de risque.
La question est aujourd’hui de savoir si le Président Sall était cohérent lorsqu’il a refusé le rapatriement de nos compatriotes étudiants de Wu Han en Chine, premier foyer de la maladie. Malgré les pressions des familles, des activistes et d’une partie des concitoyens, je pense que oui, au regard de la stratégie mise en oeuvre. Dès le début de la pandémie, nous avons engagé dans une phase d’endiguement, des mesures fortes de restriction de certaines libertés, de limitation de certains déplacements et la suspension des rassemblements. Cette phase nous a valu d’excellents résultats. Ensuite, la phase d’adaptation avec la généralisation du respect des gestes barrières et le port du masque. Depuis la levée de l’état d’urgence, il s’agit d’apprendre à vivre en présence du virus à l’instar de tous les pays du monde, pour un retour à la vie normale en prenant appui sur la responsabilité individuelle et collective, l’engagement communautaire et la présence de l’État.
Pourtant le Sénégal est le deuxième pays le plus touché par la Covid19 en Afrique de l’Ouest; cela devrait nous inquiéter et on ne peut manquer d’évoquer l’incohérence dans les décisions du chef de l’État
Raisonner ainsi ne me semble pas pertinent au regard du caractère inédit et mondialisé de la pandémie, mais c’est surtout faire un mauvais procès à notre personnel soignant, aux pouvoirs publics et même aux communautés. Cette pandémie a révélé les vulnérabilités et les fragilités communes en provoquant au plan mondial un ébranlement à la fois intime et collectif. Elle nous rappelle également que nous sommes tous des mortels, mais que cela peut s’arrêter d’un coup. C’est crise inédite et inattendue. Personne ne connaît la maladie et nous avons ni médicament ni vaccin. Même ceux sur qui nous comptons pour nous soigner apprennent à connaître la maladie. Les seules certitudes restent les vertus des gestes barrières et le port du masque. Et dans cette orientation, le Sénégal fait figure de pionnier et il faut saluer cela et consolider l’élan collecif national et la résilience de nos concitoyens.
En France, aux Etats-Unis, l’acceptation du masque se pose toujours. À Paris ce n’est que ce lundi que la mesure relative au port du masque à l’extérieur est devenu effective, après Marseille et 1400 autres communes en France.
On peut parler d’incohérence monsieur le ministre, lorsqu’on passe des mesures fortes quand il y’avait zéro décès à des mesures d’assouplissement, au moment où les cas augmentent .
Cela s’explique parce qu’avec le temps on maîtrise mieux les mesures barrières qu’il faut plutôt faire scrupuleusement respecter. Oui, le relâchement avec les rassemblements après la levée de l’état d’urgence et de l’interdiction du transport interurbain, s’explique par des causes comportentales. Cependant, vous conviendrez avec moi qu’il n’y a eu aucune pénurie de médicaments, ni manque de lits dans les urgences ou en réanimation.
Dites-moi s’il n’y a pas recrudescence de cas en France, en Angleterre, en Espagne ? Ce serait sans doute cynique de verser dans les calculs statistiques, mais faisons la moyenne des cas de décès au Sénégal depuis 5 mois, soit environ un peu plus de 150 jours. Comparez avec ce qui se passe ailleurs, même si toute mort est une mort de trop ! En définitive, face à la Covid-19, où trouver la cohérence, d’ailleurs quelle cohérence lorsque tous les États du monde sont confrontés à l’incertitude, à l’imprévu et l’inconnu qu’est ce tueur invisible ?