Dépistage du Covid dans les aéroports français: une vaste blague

Contrôles ciblés trop aléatoires et trop facilement contournés, fiches de renseignements jetées par les passagers… Le Canard enchaîné dresse un tableau peu rassurant des mesures sanitaires dans les aéroports français qui ont tout de réelles passoires à Covid.
Le relâchement des jeunes vis-à-vis des gestes barrières est-il la seule raison de la reprise de la pandémie de Covid-19 en France? En effet, que dire des mesures prises par l’exécutif à l’encontre de ceux qui arrivent sur le territoire français… Déjà pointés du doigt lors de la première vague, d’abord pour l’absence totale de contrôle sanitaire et la continuité des vols vers et depuis les pays et zones à risque, les aéroports pourraient se retrouver à nouveau au centre d’une polémique.
Dans son édition du 12 août, Le Canard enchaîné met le doigt sur un certain nombre de trous dans le «dispositif de sécurité extrêmement important» annoncé par Jean Castex le 24 juillet dernier. Il était alors question de prouver que les aéroports français n’étaient pas des «passoires à Covid», comme les qualifiait le matin même Gérard Larcher, président Les Républicains du Sénat sur RMC et BFMTV. Visiblement, c’est peine perdue. En effet, les moyens de contournement de la principale mesure annoncée par le Premier ministre, à savoir l’instauration au 1er août de tests obligatoires à l’arrivée de 16 pays classés «rouge», sont légion, à commencer par le fait que seuls les passagers provenant de vols directs depuis ces destinations sont concernés…
«Il suffit d’emprunter un vol New Delhi-Paris avec escale à Francfort ou un avion Lima-Paris avec escale à Barcelone pour débarquer sans que la PAF (police aux frontières) ne s’inquiète», relate Le Canard enchaîné.
Réponse de la place Beauvau à cette incohérence: «Le ministère de l’Intérieur français n’a pas d’action de contrôle possible sur les voyageurs en provenance de l’intérieur de l’espace européen.»

Une interprétation des traités bruxellois qui n’a pas freiné des États membres tels que le Portugal, les pays Baltes et même la très europhile Belgique pour mettre en place des restrictions de déplacement à l’encontre de ressortissants français. La Norvège, dans l’espace Schengen, impose un isolement obligatoire de dix jours à l’arrivée. La Suisse, l’Allemagne, la Slovénie et la Roumanie autorisent l’accès sans restriction à leur territoire aux Français sous réserve que le nombre de cas ne dépasse pas un certain seuil.
Londres, de son côté, imposera dès samedi 15 août une quatorzaine pour tous les passagers en provenance de France. «Nous ne pouvons nous permettre d’importer de nouveaux cas de l’étranger», a ainsi déclaré Grant Shapps, ministre britannique des Transports, rappelant les «grands sacrifices» consentis pour faire baisser le nombre de cas au Royaume-Uni. Cet argument n’a pas convaincu Paris qui imposera une mesure similaire, au nom de la règle de réciprocité.

L’Europe avant tout!
Comme si cela ne suffisait pas, l’hebdomadaire revient sur l’imbroglio autour des fiches de renseignements remplies par les passagers. La France, contrairement à plusieurs de ses voisins européens, a décidé de ne pas informatiser une telle démarche –puisque «le formulaire papier a semblé plus opérationnel» au ministère de l’Intérieur. Mais pour autant, les passagers ne savent pas à qui remettre ces fiches à leur arrivée en France… avec des conséquences pour le moins fâcheuses. En effet, celles-ci doivent permettre aux autorités sanitaires de contacter les passagers s’ils s’avéraient positifs à leur test de dépistage, ces derniers étant libres de circuler une fois l’examen effectué.
«On a tous rempli notre formulaire, mais quand on a demandé à qui il fallait le donner, les hôtesses nous ont dit: « Ah, on ne sait pas, c’est nouveau. » Puis, à la PAF, ils nous ont dit: « Ce n’est pas pour nous, on n’en veut pas. » Résultat: Tout l’avion a jeté son formulaire à la poubelle», relate au Canard un voyageur.
Déjà, début mai, lors de l’annonce du déconfinement, l’exécutif avait créé la polémique en n’imposant aucune restriction de circulation aux ressortissants européens se rendant en France. Un deux poids-deux mesures que les Français, devant toujours se déplacer dans un périmètre restreint à 100 km, n’avaient pas particulièrement apprécié.

En somme, si le virus n’a cure des frontières nationales, comme nous l’a répété tout au long de la crise l’exécutif, cela ne serait pas le cas des frontières européennes.

Tout aussi intéressant, l’hebdomadaire satirique rappelle que, dans le cas présent, «tests obligatoires» ne rime pas avec «effectués en France». Ainsi, le doute serait-il permis sur les justificatifs présentés par les passagers arrivant de certaines destinations à risque? Un cadre de la sécurité de Roissy franchit le pas pour le Canard: «Vu les pays en question, c’est un jeu d’enfant de faire un faux. Moi, je vous le fais en deux minutes chrono avec un faux logo et mon nom dessus», relate-t-il.

Qu’en est-il des 34 personnes détectées depuis le 2 juin par les caméras thermiques pour avoir affiché une température corporelle de plus de 38 degrés? «Une visite médicale leur a été proposée pour se faire tester», répond ADP au palmipède.