Cinq ans et demi après les attentats dits de janvier 2015 à Paris – à Charlie Hebdo, Montrouge et l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes –, un procès hors norme s’ouvre en cour d’assises ce mercredi. Les principaux accusés sont morts. À quoi va servir le procès en leur absence ? D’autres enjeux sont cruciaux, notamment pour les victimes.
En janvier 2015, pendant trois jours, la France a été plongée dans la terreur. Des attaques terroristes se sont succédé dans les locaux du journal Charlie Hebdo, à Montrouge dans la banlieue parisienne et enfin, dans le supermarché Hyper Cacher dans l’est parisien. Au total, 17 personnes ont perdu la vie. Cinq ans après les faits, le procès débute ce mercredi matin, devant la cour d’assises de Paris. Il va durer deux mois et demi. Quatorze personnes sont jugées, mais pas les auteurs directs de ces attentats – les frères Kouachi et Amédy Coulibaly ont été tués après les attaques – ni leurs commanditaires.
Mais sans l’aide de ceux qui comparaissent à partir de ce 2 septembre – ou de certains d’entre eux en tout cas, c’est ce que la justice va devoir déterminer –, les trois terroristes n’auraient pas pu commettre leurs crimes. C’est ce que soulignait en début de semaine, Jean-François Ricard, procureur national antiterroriste, sur France Info. D’ailleurs, certains des accusés risquent la réclusion à perpétuité ; la majorité d’entre eux encourent vingt ans de prison. Des peines très lourdes décidées à l’issue de l’instruction.
Déterminer les responsabilités
Il sera difficile de prouver qui a fait quoi. Qui a fourni les armes ? De l’argent ? Un soutien logistique ? Comment se sont déroulés les faits ? Les juges devront surtout répondre à une question cruciale : à partir de quel degré d’implication peut-on dire de quelqu’un qu’il est complice d’un attentat ? Le procès pourrait faire avancer la vérité et pourrait peut-être révéler des secrets que l’instruction n’a pas réussi à percer. C’est en tout cas ce qu’espèrent certains.
144 témoins seront entendus, quatorze experts appelés à la barre. Maître Safya Akorri, avocate de la défense, est toutefois sur ses gardes. Elle redoute qu’en l’absence des principaux accusés, on « fabrique » des complices. « Je crains des condamnations pour l’exemple », avoue l’avocate. « Ce procès se tient avant tout pour les médias et pour la société, pour qu’on puisse refermer une page, une cicatrice extrêmement profonde pour toute la société française. »
Un procès important pour les victimes
Ce procès est aussi crucial pour les victimes. Certaines d’entre elles veulent simplement que justice soit faite ; d’autres comptent sur ces 49 journées d’audiences pour continuer à avancer, à se reconstruire. Des survivants viendront témoigner à la barre. C’est le cas, par exemple, de Lilian Lepère, ce jeune homme qui était resté caché 8 heures et demi sous un évier, sans bouger, dans l’imprimerie où s’étaient retranchés les frères Kouachi, avant d’être abattus par les forces de l’ordre.
Pour Lilian Lepère, ce sera très douloureux d’être présent à la cour d’assises mais il tient à le faire, comme l’explique son avocat, Maître Antoine Casubolo Ferro : « Il attend de ce procès que la vérité soit faite pour lui mais aussi pour les autres victimes. C’est le dernier à avoir non pas vu, mais entendu les Kouachi vivant. Son témoignage sera donc important pour reconstituer les faits. C’est pour cela qu’il a accepté de venir. Ce n’est pas quelqu’un qui avait envie de devenir célèbre. »
Un procès filmé pour l’Histoire
Le témoignage de Lilian Lepère, la semaine prochaine, sera filmé comme l’ensemble du procès. C’est une première en matière de terrorisme. Une régie technique a été installée dans la salle du tribunal. Les images des 49 journées d’audience seront conservées dans les archives de la justice qui a donc jugé que ce procès était véritablement digne d’intérêt.
Auteur : RfI