Les militaires qui dirigent le Mali réunissent à nouveau ce jeudi 10 septembre des centaines d’acteurs nationaux pour tenter de baliser la voie de l’après-putsch, sous la double pression de forces intérieures et d’une communauté internationale aux vues divergentes.
Quelque 500 participants, responsables de partis, de syndicats, d’organisations de la société civile, sont attendus à partir de jeudi matin (9 h 30 locales et GMT) et jusqu’à samedi à ces « journées de concertation nationale » au Centre international de conférence de Bamako.
Immédiatement après avoir renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta (« IBK »), les militaires réunis autour du très taiseux colonel Assimi Goita ont promis de rendre les commandes aux civils à l’issue d’une transition d’une durée, d’une nature (civile ou militaire) et d’une organisation encore à déterminer. Il s’agit à présent de s’entendre sur cette transition.
Un mois après le quatrième coup d’Etat depuis l’indépendance en 1960, et malgré une première séance de consultations samedi, la transition peine à se dessiner.
Après l’accueil plutôt favorable fait aux putschistes par des Maliens exaspérés de voir leur vaste pays sombrer sous l’effet de la guerre contre les djihadistes, des violences intercommunautaires, du marasme économique et de l’impuissance étatique, les dissensions se font jour.
Les colonels ont la tâche ardue de faire converger leur vision et leur agenda avec ceux du Mouvement du 5 juin (M5) qui a mené pendant des mois la contestation contre l’ancien président et qui réclame la même voix au chapitre que la junte, ou encore ceux des anciens groupes rebelles qui font désirer leur participation aux discussions.
Les uns et les autres sont attendus sur la durée de la transition et le profil de ceux qui la conduiront. La junte a initialement parlé de trois ans (correspondant au reste du mandat présidentiel entamé) sous la conduite d’un militaire. Pour nombre de ses interlocuteurs, une direction de la transition autre que civile est inacceptable. Mais ces interlocuteurs, à commencer par le M5, passent eux-mêmes pour être divisés.
Les partisans d’une transition longue confiée aux militaires arguent du temps et de l’autorité nécessaires pour créer les conditions d’un redressement dans un pays au bord du gouffre. Les autres invoquent au contraire le risque d’une instabilité encore accrue dans un Sahel déjà gagné par les attaques djihadistes et le mauvais exemple régional donné par une junte maintenue durablement au pouvoir.
La junte est soumise à la pression des acteurs locaux avec leurs intérêts propres, mais aussi de la communauté internationale. Les voisins du Mali au sein de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) réclament un retour des civils au bout de douze mois maximum. La France, principal allié du Mali contre les djihadistes avec les 5 100 hommes de l’opération « Barkhane » déployés au Sahel, pousse aussi à aller vite. Quatre soldats maliens ont encore été tués dans une attaque mercredi.
La Cédéao impose un embargo sur les flux commerciaux et financiers avec le Mali, dont les effets inquiètent un pays pauvre et enclavé. Lundi, elle a donné jusqu’au 15 septembre aux militaires pour désigner un président et un premier ministre civils de la transition, ne laissant donc que quelques jours à la junte pour surmonter les divergences maliennes.
Ce qui ressortira de ces trois jours de concertation n’est pas clair. Après le premier round de samedi partagé entre la capitale et les régions, un comité d’une vingtaine de juristes, chercheurs et universitaires a été chargé de faire la synthèse.
« Depuis lundi soir, nous avons fini avec les termes de référence et nous peaufinons une feuille de route. Ces documents ont pris en compte les recommandations des cinq ateliers de Bamako et les rapports des ateliers venant des dix régions. La feuille de route et les termes de référence seront présentés à la plénière de demain [jeudi] pour amendement, amélioration et enrichissement », a dit la présidente de ce comité, Diarra Fatoumata Dembélé.
AFP/LeMonde