Entre la Compagnie bancaire de l’Afrique de l’ouest (Cbao) et son client Moustapha Tall, c’est la rupture du contrat de confiance. Le commerçant a trainé sa banque en justice pour abus de confiance présumé.
Le commerçant Moustapha Tall se relance. Cette fois-ci, c’est sur le terrain judiciaire. Il a attrait en justice la Compagnie bancaire de l’Afrique de l’ouest (Cbao) Group Attijari Wafa Bank. Une banque qu’il accuse d’abus de confiance portant sur la somme de sur 1 908 700 000 FCfa. C’est par voie de citation directe que le commerçant a convoqué à la barre Patrick Mestralet, Directeur général de la Cbao, et son chargé de compte, Mandiaye Dieng, à la barre du Tribunal correctionnel de Dakar.
Dans sa plainte, il leur reproche d’avoir «subtilisé» de son compte numéro 20136.64935-33, logé à la Cbao Group Attijari Wafa Bank le montant sus évoqué. La banque visée comme civilement responsable, la justice avait fixé l’audience le 12 mai 2020, mais, l’audience renvoyée plusieurs fois, le magistrat en charge de l’affaire a retenu la date de ce 13 octobre 2020 pour l’ouverture des débats.
79 retraits présumés «frauduleux» de 20 millions de FCfa effectués
Cette histoire est vieille de 15 longues années. Dans le cadre de ses activités, Moustapha Tall s’était rapproché de la Cbao auprès de laquelle le compte numéro 20136.64935-33 a été ouvert. Le 06 mai 2005, à la suite d’une saisie conservatoire de créances, ledit compte a été débité. La saisie a été, selon l’accusation, maintenue par la Cbao jusqu’au 20 juillet 2018, date à laquelle la mainlevée fut accordée à Moustapha Tall.
Seulement, durant 13 années consécutives, Moustapha Tall dit «n’avoir eu aucune information sur les mouvements du compte en général, qui devaient être fournis de manière régulière par des relevés de compte pour pouvoir vérifier la régularité des opérations». Par la suite, il dit découvrir que «dans l’opacité la plus totale», des retraits de caisse qu’il n’a pas «autorisés» ont été effectués. Du 16 mars 2004 au 05 août 2004, 79 retraits, parfois trois fois par jour, de 20 millions de FCfa, ont été opérés. Le dernier, datant du 05 août 2004, moins importante que les autres, a été de 8 706 000 FCfa. Des décaissements exécutés, précise-t-on dans la citation, au moment où le requérant était en détention préventive dans une autre affaire le concernant.
Arrêté après le rapport des Douanes, alors qu’il voulait se lancer dans le marché du sucre, le commerçant-vendeur de riz accuse la banque «d’avoir agi en toute connaissance de cause pour piller le compte sus-visé pour ensuite vouloir le masquer avec la clôture unilatérale du compte en 2009, alors que ledit compte était dans une situation contentieuse avec la saisie en cours». Et grande a été sa surprise, lorsque, le 20 juillet 2018, l’huissier lui a notifié la mainlevée, de ne pouvoir rentrer dans ses fonds. Ralliant la banque afin de récupérer les montants saisis, «on lui dira qu’ils ne se trouvent plus dans le compte. Les banquiers lui demandent de repasser».
Moustapha Tall réclame 20 milliards Fcfa à la Cbao
Le lendemain, lit-on dans la citation, «la banque informe le requérant que lesdits montants ont été crédités au moment de la clôture du compte». Le requérant a, alors, demandé à voir les relevés. En les examinant, «il découvre le pot-aux-roses et la magouille de la banque Cbao qui a effectué des retraits frauduleux sur le compte du requérant». Estimant «ces retraits curieux, irréguliers et nébuleux, et préfigurant des prélèvements injustes», Cbao sait, selon lui, «parfaitement qu’en tant que dépositaire, elle est responsable des sommes d’argent logées dans les comptes des particuliers ouverts dans ses livres». De ce fait : «Elle est tenue de justifier tout retrait litigieux sur un compte placé sous sa responsabilité.»
Pour réparer tout le préjudice qu’il a subi, il réclame la somme de 20 milliards de FCfa en guise de dommages et intérêts. Auparavant, M. Tall avait, par correspondance en date du 16 avril 2019, a mis en demeure la Cbao d’avoir à justifier les retraits effectués et éventuellement fournir l’identité des personnes bénéficiaires desdits retraits. Moustapha Tall avait saisi le ministère des Finances qui a transmis le dossier à l’Observatoire de la qualité des services financiers (Oqsf) afin de trouver une solution amiable à ce litige.
La Cbao démonte les «allégations» du commerçant
Dans une lettre-réponse adressée à l’Oqsf, la Cbao balaie d’un revers de main les accusations : «Notre établissement conteste d’emblée ces allégations, tout comme il marque son plus profond désaccord sur les démarches du sieur Tall, si bien dans la forme que sur le fond (…) Les prétentions de Moustapha Tall visent des opérations qui remontent à près de quinze (15) ans. Or, vous n’êtes pas sans savoir que, par hypothèse, le délai légalement prévu, de traitement et de conservation des documents comptables, tel que prévu par le Système Comptable de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique, du Droit des Affaires dite «Syscohada» est de 10 ans(…)»
Poursuivant, la banque ajoute : «Sous ce rapport et du point de vue strictement légal, aucune disposition ne met à la charge de Cbao l’obligation de produire des documents dont le délai légal de conservation est expiré (…) Par ailleurs, notre qualité d’Institution bancaire nous soumet à un règlement strict, notamment au respect scrupuleux du secret professionnel, institué par l’article 30 de la Loi 2008-26 du 28 juillet 2008. Cette obligation, à laquelle Cbao est astreinte, lui fait formellement interdiction de communiquer des informations à caractère personnel à des instances non habilitées, puisqu’aux termes de l’article 53 alinéa 4 de la Loi Bancaire de 2008 précitée, les seules réclamations dérogatoires de cette règle sont celles émanant de l’Umoa, la Bceao ou de l’autorité judiciaire agissant dans le cadre d’une procédure pénale.»
T. Marie Louise N. CISSE
igfm