Facebook et Twitter sur le banc des accusés après l’attentat terroriste commis contre le professeur de Conflans-Sainte-Honorine. Leurs directeurs nationaux sont convoqués ce mardi matin par Marlène Schiappa, la ministre déléguée à la Citoyenneté. Un rendez-vous déjà jugé insuffisant pour agir sur la cause du problème : le modèle économique des plateformes.
Les vidéos mettant en cause Samuel Paty ont circulé sur Facebook et sa messagerie WhatsApp, l’auteur de l’attentat avait un compte Twitter repéré comme celui d’un radicalisé. Les liens entre ces messages et le passage à l’acte ne sont pas encore prouvés mais il est difficile aujourd’hui pour ces plateformes d’échapper à la mise en cause.
La ministre va donc demander aux médias sociaux de lutter contre le cyber islamisme. Une mesure cosmétique selon les observateurs des réseaux sociaux, qui mettent en cause le modèle de ces plateformes: « les réseaux sont fait pour capter notre attention, et pour cela l’émotion est plus utile que l’intelligence. Le modèle économique de Facebook et des autres plateformes c’est le modèle où le plus fort gagne, c’est le fascisme pas la démocratie » explique Thomas Huchon, journaliste expert de la question.
Le plus fort étant celui qui fait le plus de clic. Ces réseaux ne cherchent pas sciemment à inciter à la haine raciale, ni à faire de la désinformation ou à biaiser le débat politique, mais ils laissent proliférer, voire ils dopent les contenus qui génèrent des vues, et donc de la publicité.
Facebook a été mis en cause pour son rôle dans l’élection de Donald Trump en 2016, puis dans celle de Jair Bolsonaro au Brésil
Le réseau est aussi accusé d’avoir attisé la haine contre les Rohingyas en Birmanie. AIors que la liste des controverses s’allonge de jour en jour, le patron du réseau Marck Zuckeberg fait de la résistance. Concernant les faits cités, il les a longtemps niés puis reconnus mais il refuse toujours de publier les informations démontrant par exemple la façon dont Facebook a relayé les fausses informations postées par le camp de Donald Trump.
Ce serait rendre public le fonctionnement des algorithmes. Ces mystérieuses architectures du numériques ne sont pas des entités neutres et désincarnées : elles sont construites par des ingénieurs qui suivent un certain nombre de consignes. La priorité est donnée au contenu les plus polarisants, quel que soit leur impact. Une enquête du Wall Street Journal raconte entre autre que Facebook a écarté la revue Mother Jones classée à gauche, parce qu’elle ne générait pas assez de vues. Le réseau a donc pris pour des raisons de rentabilité une décision qui a des conséquences sur le débat politique américain.
Comment se fait-il que ces entreprises agissent en toute impunité ?
Impossible d’attaquer en France des sociétés domiciliées à l’étranger. Et aux Etats-Unis elles sont couvertes par la section 230, un texte protégeant la liberté d’expression depuis les débuts d’internet. Les plateformes ne sont pas considérées comme des éditeurs de contenus mais comme leur simple relais. Ce texte imaginé il y a trente ans, avant même la naissance des réseaux, est de plus en plus contesté. Trump dit vouloir l’abroger, Biden le réformer. En Europe une nouvelle directive devrait mieux les encadrer. L’essentiel est ailleurs estiment les experts. Tout comme les voitures sont soumises à des normes, et des contrôles techniques, les réseaux sociaux et leurs algorithmes doivent pouvoir être vérifiés.
En attendant ces réformes les plateformes ont déjà des outils pour modérer les contenus
Des règlements très élaborés mais elles ne les appliquent pas, déplore Maëlle Gavet, -entrepreneuse engagée de la tech et représentante aux États-Unis du bureau de la French tech. Par lâcheté, par appât du gain. Aucune d’entre elles ne publie des données complètes sur les contenus litigieux et sur les actions mises en œuvre pour les éliminer. Les efforts visant à assainir les réseaux ont un coût pour ces entreprises, ils vont modifier leur modèle économique en diminuant leur revenu publicitaire, et les nouvelles règles du jeu pourraient faciliter l’arrivée de nouveaux concurrents.
C’est pourquoi contrairement à leurs déclarations, elles ne sont pas pressées d’agir. C’est pourquoi la régulation du secteur parait aujourd’hui urgente et indispensable.
rfi