Fâché contre son ami d’enfance et employeur Ibrahima Traoré, Moussa Dioum le retrouve jusque dans son quartier et menace de le tuer. Dans sa furie, il parvient à casser le pare-brise du véhicule de celui-ci avec une grosse pierre. L’individu, qui souffre de troubles psychiques, comparaissait hier devant la barre du tribunal des flagrants délits de Dakar.
Alors que la mise en état battait son plein dans la salle 4 du Tribunal de Dakar, un individu surgit du box des prévenus et s’écrie : «depuis 30 ans, je suis en détention. Je veux retourner auprès de ma famille». L’homme en question est un prévenu âgé d’une cinquantaine d’années, qui se nomme Moussa Dioum et qui ne jouirait pas de toutes ses facultés mentales. Sensible à son sort, la présidente de la composition d’hier décide de statuer sur son affaire, en suspendant la mise en état.
Au parloir, le mis en cause adopte une attitude contraire à celle des prévenus qui s’y présentent, d’habitude. Tantôt, il tourne le dos au magistrat et contemple le hall qui est qui est bondé de monde ; tantôt, il se penche vers le sol, comme s’il recherchait quelque chose. Redressé par le garde pénitentiaire, Moussa Dioum hurle de plus belle et accuse celui-ci de le maltraiter.
Ce prévenu hors du commun est poursuivi pour menace de mort, détention d’arme blanche et violence et voie de fait. La partie civile, Ibrahima Traoré, est son ami d’enfance pour qui il a travaillé depuis 6 ans. Sur les raisons de sa comparution, le prévenu ne reconnait que le fait de violence et voie de fait. Clamant sa bonne santé mentale, Moussa Dioum, directeur commercial dans l’entreprise du plaignant, explique qu’il a agi de la sorte, car son ami et employeur lui doit beaucoup d’argent.
«Il me fait travailler comme un esclave. Je lui fais gagner des millions et il me paie des miettes», s’est-il offusqué à la barre. Ces propos du mis en cause étaient les seuls cohérents parmi tout ce qu’il a pu tenir au parloir.
La parole donnée à lui, Ibrahima Traoré expose les faits. «Ce jour-là, il a surgi de nulle part, au moment où je garais ma voiture et je l’ai vu jeter quelque chose par terre. Comme il n’y avait personne dans le quartier, j’ai fait marche-arrière, pour me sauver, car je savais qu’il était en colère. C’est ainsi qu’il a jeté un projectile sur le pare-brise de mon véhicule, à hauteur de ma tête. Il m’a insulté de mère et m’a dit «descends de ta voiture je vais te buter», raconte ce marié et père d’un enfant de trois ans.
Poursuivant ses déclarations, il affirme que n’eut été l’intervention de son voisin Fodé, le pire pourrait se réaliser. Sur les conditions de travail de son employé, le requérant explique : «de 2014 à novembre 2019, il travaillait dans ma société. A cause de sa maladie, on a rompu le contrat. Il a toujours détourné l’argent de la société sans être inquiété. Quand il est tombé malade, je l’ai évacué en France, pour qu’il se soigne. Il a été libéré de son hospitalisation, au mois de février».
Pour démontrer au Tribunal l’attitude dangereuse de son ami à son égard, le sieur Traoré déclare : «deux jours avant la Tabaski, quand je lui ai dit que nous allons rompre son contrat, il m’a dit : je vais te tuer et ça sera sans suite, car j’ai un dossier médical qui atteste ma folie».
Dans sa plaidoirie, Me Fall, conseil de la partie civile, réclame le franc-symbolique pour son client. «Ce sont pratiquement des amis d’enfance, ils se connaissent très bien. Compte tenu de leur amitié, mon client l’a embauché comme responsable commercial. Mais il en a profité pour détourner son argent. Malgré les mises en garde de sa famille, il a toujours cheminé avec lui. Mais à cause des menaces de mort, il a dit stop», a relevé la robe noire. L’avocat a demandé au Tribunal d’assortir la peine d’une obligation de soin au besoin par la force et prononcer des mesures d’éloignement de Moussa Dioum, du quartier ou réside Monsieur Traoré.
Selon la parquetière, le prévenu a une conscience assez claire et des propos assez cohérents. «On ne peut pas lui permettre de profiter de son état de démence, pour troubler à l’ordre public. Il a été libéré de sa prise en charge psychiatrique en France en Février», mentionne le substitut du procureur qui dit s’en rapporter à la décision du Tribunal.
Venu assurer les intérêts du prévenu, Me Domingo Dieng sollicite l’application de l’art 50 du code pénal pour son client pour qui sa santé mentale ne souffre d’aucun doute et la prononciation de la mesure d’éloignement, pour préserver la sécurité de la partie civile.
L’affaire mise en délibéré au 28 octobre, Moussa Dioum supplie le Tribunal de le laisser rentrer. Mais il n’obtiendra pas gain de cause, car il est retourné à la citadelle du silence, en attendant d’être élucidé sur son sort.