L’ancien chef d’État ivoirien Laurent Gbagbo, qui ne s’était pas exprimé publiquement depuis son arrestation en avril 2011, a affirmé, à l’avant-veille de la présidentielle en Côte d’Ivoire, que son pays allait vers « la catastrophe », lors d’une interview à TV5 Monde reprise par France 24. Il a également appelé au dialogue.
Depuis la Belgique où il attend un éventuel procès en appel devant la Cour pénale internationale (CPI), après son acquittement de crimes contre l’humanité, Laurent Gbagbo est sorti de sa réserve pour appeler au dialogue, alors que de nombreux Ivoiriens redoutent de nouvelles violences autour de la présidentielle du 31 octobre.
« Ce qui nous attend, c’est la catastrophe. C’est pour ça que je parle. Pour qu’on sache que je ne suis pas d’accord pour aller pieds et poings liés à la catastrophe. Il faut discuter », a-t-il déclaré. « Discutez ! Négociez ! Parlez ensemble ! Il est toujours temps de le faire (…). Je suis résolument du côté de l’opposition. Je dis, vu mon expérience, qu’il faut négocier ! « , a insisté l’ancien président.
La candidature de Laurent Gbagbo invalidée
La prise de parole de M. Gbagbo était attendue depuis des mois par ses partisans, qui espèrent son retour en Côte d’Ivoire. Il ne s’était pas exprimé lorsque ses proches ont déposé sa candidature à cette présidentielle, ou quand cette candidature a été invalidée par le Conseil constitutionnel ivoirien.
« Depuis mon arrestation le 11 avril 2011, je n’ai pas parlé, sauf lors de l’interrogatoire devant la CPI (…). J’attendais d’être en Côte d’Ivoire avant de parler (…), mais aujourd’hui je vois que les querelles nous amènent dans un gouffre (…). Si je me tais, ce ne serait pas responsable, donc j’ai décidé de m’exprimer » ajoute-t-il.
Ce samedi se tient en Côte d’Ivoire le premier tour de l’élection présidentielle pour désigner un successeur à Alassane Ouattara, élu en 2010, et candidat à un troisième mandat jugé par l’opposition « anticonstitutionnel ». Le président sortant a finalement décidé, en août 2010, de se présenter suite au décès du successeur qu’il avait désigné, Amadou Gon Coulibaly.
La candidature d’Alassane Ouattara à un troisième mandat contestée
Dix ans après la crise post-électorale de 2010-2011 qui avait fait 3000 morts, les tentatives de dialogue entre le pouvoir et l’opposition sont restées lettre morte. L’opposition exige le retrait de la candidature du président, ainsi qu’une réforme de la Commission électorale indépendante et du Conseil constitutionnel, qu’elle considère comme « inféodés » au pouvoir.
La colère, « je la comprends et je la partage » poursuit Laurent Gbagbo. « Pourquoi veut-on faire un troisième mandat ? Il faut qu’on respecte ce qu’on écrit, ce qu’on dit (…) Si on écrit une chose et qu’on fait une autre, on assiste à ce qui arrive aujourd’hui », estime l’ancien président, âgé de 75 ans.
La Constitution ivoirienne n’autorise que deux mandats présidentiels, mais, selon Alassane Ouattara, l’adoption d’une nouvelle constitution en 2016 a remis le compteur à zéro. Une interprétation validée par le Conseil constitutionnel mais que conteste farouchement