Depuis trois semaines, le producteur est devenu le visage de la lutte contre les brutalités des forces de l’ordre. Il n’a pourtant rien du porte-parole de la cause, et est souvent là où on ne l’attend pas.
Les fêlures de la vitrine sont dissimulées à grand-peine derrière les pétales d’une orchidée déposée opportunément là. Sur le sol, des traces de combustion trahissent l’endroit où la grenade lacrymogène a explosé. Au mur, un portrait de la chanteuse Diam’s semble contempler la « scène de crime ». Et dans l’angle de l’entrée de ce studio de musique du 17e arrondissement de Paris, la caméra de vidéosurveillance, sans laquelle Michel Zecler, 41 ans, n’en « serai[t] pas là aujourd’hui », à échanger avec des journalistes du Monde.
Trois semaines après l’agression dont il a fait l’objet par un équipage de policiers, le 21 novembre, le producteur de musique « ressasse les images de ce qui s’est passé ». « Sur le plan psychologique, j’ai vraiment du mal, j’ai pris rendez-vous avec un psychiatre », explique-t-il d’une voix blanche. Les nuits sans sommeil, les cauchemars, l’impossibilité de travailler, de passer à autre chose… Une attelle articulée qui lui soutient le bras témoigne de l’opération qu’il vient de subir, à la suite de la rupture du tendon qui retient le biceps.
On devine, derrière les épaules affaissées du grand gaillard, un homme peu enclin à s’avouer ébranlé. « C’est un peu difficile pour moi, parce que je pensais que j’allais mieux gérer que ça, mais j’y pense tout le temps. » Il vient deux heures par jour à son studio mais assure « ne pas être un cadeau pour [son] associée en ce moment ». Selon son chirurgien, son incapacité temporaire de travail devrait être réévaluée à quatre-vingt-dix jours, contre les six initialement retenus par l’unité médico-judiciaire.
Lire notre récit : Une pluie de coups et des mensonges… Retour sur le passage à tabac du producteur de musique Michel Zecler par trois policiers
C’est donc à ça que cela ressemble, une « victime » de violences policières. En trois semaines, Michel Zecler est devenu le visage de la lutte contre les brutalités des forces de l’ordre. Son affaire, révélée par le média en ligne Loopsider, coche toutes les cases : un motif d’intervention bancal, un déferlement de violence incompréhensible, des coups portés après le menottage, l’usage inapproprié de l’armement intermédiaire, le mensonge sur procès-verbal, l’inversion de la culpabilité, la criminalisation de la victime… Le tout filmé sous tous les angles.
Scandale national
Samedi 21 novembre, Michel Zecler pénètre dans son studio de musique du 17e arrondissement. Trois policiers l’ont repéré dans la rue pour non-port du masque. Ils s’engouffrent derrière lui dans le local, sans autorisation. S’ensuit une pluie inexplicable de coups, à laquelle il ne répond pas. Le producteur assure en outre avoir entendu des insultes racistes, ce que nient les agents.