Le projet de loi soumis à l’Assemblée nationale vise désormais à donner au Président Sall les pouvoirs, seul, de décider de l’état d’urgence et de l’état de siège.
Initiative inédite quand on sait que depuis 1969, il appartenait au Parlement d’en donner l’autorisation à l’Exécutif tant ses deux états sont privatifs de liberté.
En effet, l’état d’urgence comme on l’a connu lors de la première vague de Coronavirus vise à donner plus de pouvoir à l’autorité de police de nature à permettre une restriction des libertés.
Ainsi, la liberté de circuler des citoyens peut ainsi être réduite pour des nécessités d’ordre public, de préservation de la santé, de sécurité publique, etc.
Un régime de privation des libertés qui nécessite alors un encadrement législatif pour éviter tout abus.
L’état de siège est encore plus problématique. Il s’agit d’une situation où les pouvoirs de police sont dévolus à l’armée.
C’est une situation où les autorités policières sont vraiment dépassées et que la situation de trouble à l’ordre public est telle que seule l’armée est habilitée à y obéir.
Alors, c’est la loi martiale qui s’applique, c’est-à-dire, la loi militaire avec ses restrictions de liberté.
Excepté sa partie sud, le Sénégal n’avait pas encore connu une telle situation du moins depuis très longtemps.
C’est pour toutes ces raisons que de tels régimes ne sauraient être soumis à la volonté d’un seul homme.
Car, si c’est le cas comme un tel projet de loi nous y invite, les abus peuvent être possibles et ce serait un précédent dangereux.
Car, faut-il le rappeler, l’institution même d’un Parlement obéit à la nécessité de contrôler l’action publique et parfois de le faire en amont.
Aujourd’hui, si toutes les prérogatives de l’Assemblée sont pratiquement remises en cause parce que le Président veut se les approprier, ce serait un retour à un régime de monarchie constitutionnel exactement comme au Maroc et ailleurs dans le monde.
Ce n’est pas jusqu’ici l’option du Sénégal. Nous avons certes un régime présidentiel ou semi-parlementaire pour certains mais avec l’option d’un Président de la République mandataire du peuple qui, par ses députés, contrôle son action
Or, avec de telles initiatives qui se multiplient, on en arrive à remettre fondamentalement en cause les piliers de notre démocratie.
C’est pour toutes ces raisons que les députés doivent faire obstacle à ce projet de loi.
Le fast-track, si l’on n’y prend pas garde, va aboutir à la concentration de tous les pouvoirs entre les mains de Macky, et ce serait un vrai recul démocratique.
Faut-il le rappeler, dans toutes les grandes démocraties, les décisions majeures sont prises avec l’approbation de l’Assemblée et même du Sénat.
C’est cela l’option la plus sûre. Car, on ne peut continuer à faire aveuglément confiance à une seule personne sans un jour, en payer les conséquences.