Une majorité d’élus de la Chambre des représentants a voté, mercredi 13 janvier, la mise en accusation formelle de Donald Trump pour avoir incité aux violences du Capitole, ouvrant la voie à un deuxième procès historique du président des États-Unis.
En même temps qu’il s’apprête à quitter la Maison Blanche, Donald Trump entre dans l’histoire par une porte peu glorieuse. Il devient le premier président des États-Unis à être mis en accusation une deuxième fois par le Congrès. Plus d’un an après l’affaire ukrainienne, le milliardaire républicain de 74 ans, qui cédera la place à Joe Biden le 20 janvier, est accusé d’avoir encouragé l’assaut de ses partisans contre le Capitole qui a fait cinq morts et ébranlé la démocratie américaine.
Il fallait 217 voix pour que l’acte d’inculpation le visant soit adopté par la Chambre des représentants. Le seuil a été atteint et même dépassé. L’ensemble des démocrates et dix républicains de la Chambre basse ont voté en faveur de l’impeachment. Au total, l’acte d’accusation a obtenu 232 voix contre 197.
« Aujourd’hui et d’une manière bipartisane, la Chambre a démontré que personne n’est au-dessus des lois, pas même le président », a lancé Nancy Pelosi avant de signer la mise en accusation de Donald Trump. La cheffe de la majorité démocrate à la Chambre a assuré que cela lui brisait le cœur. Mais elle a réussi l’impensable : rallier dix élus républicains pour inculper le président.
Un procès après le 20 janvier
Jamais autant d’élus du parti au pouvoir à la Maison Blanche n’ont voté en faveur de la mise en inculpation de leur président. Lors de la première procédure en destitution intentée contre Donald Trump, aucun républicain ne s’était exprimé pour, rappelle notre correspondante à Washington, Anne Corpet. L’intrusion violente des partisans du président au Congrès, son discours juste avant le saccage, son refus constant d’accepter le verdict des urnes a convaincu ces dix élus républicains.
La prochaine étape aura lieu au Sénat. Mitch McConnell, qui dirige la majorité à la Chambre haute, a fait savoir ce mercredi soir qu’il n’organiserait pas le procès du président avant la prochaine session régulière. Elle est prévue le 19 janvier, à la veille de l’investiture. C’est donc sous la présidence Biden et avec le démocrate Chuck Shumer à la tête de la nouvelle majorité au Sénat qu’aura lieu le procès. Son issue reste incertaine. Pour que Donald Trump soit reconnu coupable, il faudra les voix de 17 sénateurs républicains.
« Le président doit partir »
C’est Nancy Pelosi qui a ouvert les débats. « Le président doit partir, il est un clair danger pour la nation que nous aimons tous », a tonné la cheffe des démocrates. « Depuis l’élection présidentielle de novembre, une élection que le président a perdu, il a menti de manière répétée sur les résultats », cherché à semer le doute sur le processus électoral et « à influencer les responsables locaux de façon non constitutionnelle » pour rejeter la victoire de Joe Biden, a-t-elle ajouté.
Pendant deux heures, les démocrates ont martelé le même message. Donald Trump menace la démocratie. « Pour mettre fin au suprématisme blanc, nous devons destituer le suprémaciste blanc en chef », a même lancé même Cory Bush, élue afro-américaine du Missouri.
Les élus républicains ont, au contraire, accusé les démocrates de vouloir mener un nouveau procès politique contre le président républicain. Le parlementaire Jim Jordan, qui s’était déjà illustré lors de la première procédure dans sa défense de Donald Trump, a dénoncé une manœuvre politique, une volonté « d’annuler le président ».
Le chef des républicains à la Chambre, Kevin McCarthy, a déclaré pour sa part qu’une mise en accusation de Donald Trump une semaine avant la fin de son mandat serait « une erreur ». Le président sortant porte une « responsabilité » dans les violences du Capitole, a-t-il néanmoins admis, demandant la création d’une « commission d’enquête » et le vote d’une « motion de censure ».
Twitter mise en accusation
Certains élus républicains ont néanmoins osé défier le président à la tribune comme Dan Newhouse, élu de l’État de Washington. « La semaine dernière, il y a eu une menace domestique aux portes du Capitole et il n’a rien fait pour l’arrêter. C’est pourquoi, avec le cœur gros mais clairement résolu, je voterai oui à cette mise en accusation… »
Le vote s’est déroulé dans un contexte particulièrement tendu. Suite aux émeutes de mercredi dernier, le Capitole est quasiment en état de siège. Les élus doivent désormais passer par un portail de détecteur de métaux pour accéder à l’hémicycle.
Une barrière a aussi été dressée tout autour du Congrès et des milliers de soldats de la Garde nationale ont été déployés.
Pour la première fois depuis la guerre civile américaine, des centaines de soldats ont passé la nuit à l’intérieur du Capitole. Les troupes se sont installées comme elles le pouvaient et ont dormi à même le sol dans ce bâtiment prestigieux. Au total, 15 000 soldats seront déployés dans la capitale fédérale pour protéger les cérémonies d’investiture. C’est plus que le contingent déployé en Irak et en Afghanistan.
L’appel au calme de Trump
Le locataire de la Maison Blanche n’a pas commenté son inculpation mais a lancé un appel solennel au calme à l’adresse de ses partisans qui menacent de manifester leur colère. « Je condamne sans équivoque les violences auxquelles nous avons assisté la semaine dernière, a lancé Donald Trump. La violence et le vandalisme n’ont absolument aucune place dans notre pays, et aucune place dans notre mouvement. Rendre à l’Amérique sa grandeur a toujours signifié défendre l’État de droit, soutenir les hommes et les femmes des forces de l’ordre et maintenir les traditions et valeurs les plus sacrées de notre nation. »
« La violence collective va à l’encontre de tout ce que je crois, à l’encontre de tout ce que défend notre mouvement, a insisté le président. Aucun de mes vrais partisans ne peut en aucun cas soutenir la violence politique. Aucun de mes vrais partisans ne peut manquer de respect à l’encontre des forces de l’ordre ou de notre beau drapeau. Aucun de mes partisans ne peut menacer ou harceler ses concitoyens américains. Si vous faites l’une de ces choses, vous ne soutenez pas notre mouvement. Vous l’attaquez. Et vous attaquez notre pays. »