En Birmanie, les appels à la désobéissance civile contre la junte se sont poursuivis ce mardi 16 février, malgré le durcissement de la répression par l’armée. Celle-ci fait la sourde oreille face aux multiples condamnations internationales. La junte a inculpé une nouvelle fois Aung San Suu Kyi sur des chefs d’accusation fallacieux. Selon les informations du New York Times, l’ex-dirigeante est apparue dans une vidéoconférence, pour la première fois depuis le putsch du 1er février.
Khin Maung Zaw, l’avocat de la Prix Nobel de la paix, l’a confirmé : Aung San Suu Kyi et l’ex-président Win Myint ont fait une brève apparition vidéo devant le tribunal. Le début de l’audience n’aurait duré qu’une heure mais l’avocat n’aurait pas pu y assister car selon lui, les militaires « veulent éviter toute attention publique ». Une prochaine séance devrait se tenir le 1er mars prochain.
La « dame de Rangoun » était déjà accusée d’avoir importé une dizaine de talkie-walkies de façon illégale dans le pays. Et ce mardi 16 février, la junte a porté une seconde inculpation : elle aurait, comme l’ex-président, enfreint une loi sur la gestion des catastrophes naturelles.
L’armée maintient la pression
Ces accusations, qui semblent fantaisistes, rappellent celles qui ont visé dans le passé Aung San Suu Kyi : elle avait notamment vu sa peine d’assignation à résidence prolongée car un Américain avait nagé dans le lac bordant sa villa ce qui, selon les militaires, avait enfreint les termes de son confinement.
Mais pour Marc, un analyste dans une entreprise privée de Rangoun (qui a souhaité rester anonyme), l’armée fait ainsi savoir qu’elle est bel et bien de retour au pouvoir. « Tout le monde sait que c’est n’importe quoi », assure-t-il. « Et maintenant, on a les accusations d’importation de talkie-walkies et c’est juste pour montrer au public que les militaires sont de retour et qu’ils vont faire ce qu’ils veulent. »
Marc explique que la « peur est réelle ». « Tous les soirs, les gens ne dorment plus car ils ont peur que l’armée vienne chez eux pour arrêter ceux qui ont participé au mouvement de désobéissance civile, explique-t-il. Nous avons tous vraiment peur. »
« La seule façon de dire stop à la junte »
Les Birmans continuent à se mobiliser, malgré une répression de plus en plus importante de l’armée, surtout les jeunes, entre 18 et 30 ans, qui représentent près d’un quart de la population. Ils n’ont pas vécu sous le régime militaire ou en ont très peu de souvenirs. Ils ont évolué dans un pays ouvert sur le monde, en semi-démocratie, et même s’ils espèrent que la communauté internationale puisse agir, ces jeunes savent que celle-ci n’a que très peu de leviers pour faire tomber la junte.
Pour Marta, une étudiante de 23 ans à Mandalay, le mouvement de désobéissance civile est le seul moyen de renverser les militaires. « Ce qui me fait peur, c’est que les militaires soient au pouvoir », insiste-t-elle. « Quand ils y étaient dans le passé, il n’y avait pas de liberté d’expression, le pays était bloqué », rappelle-t-elle. « Tous ceux qui ont déjà vécu ça ont peur de cette oppression. Il y avait tant de corruption au sein des institutions du gouvernement et les gens n’étaient au courant de rien car ils étaient isolés du monde entier. J’ai peur que cela se reproduise. »
Marta espère « que le mouvement de désobéissance civile prenne de l’ampleur, au niveau national pour arrêter l’armée, pour que les militaires ne puissent plus contrôler le pays ». Selon elle, « ce mouvement est très efficace, car le chef de la junte, Ming Aung Hlaing, a demandé, sur la chaîne de télévision nationale, aux fonctionnaires de retourner au travail ». Mais elle craint les méthodes de répression de l’armée : « J’ai aussi peur pour ceux qui participent au mouvement car ils se font arrêter pendant la nuit, d’autres sont forcés de retourner au travail. Donc j’espère que le mouvement vaincra, car c’est la seule façon de dire stop à la junte. »
Le soutien de la Chine est, selon les experts, ce qui permet aux militaires de poursuivre leurs actions. Mais après qu’une foule a manifesté devant l’ambassade chinoise ce lundi 15 février, l’ambassadeur a déclaré ce mardi que le coup d’État et le mouvement grandissant de la population n’était « absolument pas ce que la Chine souhaitait voir ».