La mise en place d’un parquet national financier est un vœux du Forum civil. Le chef de l’Etat a annoncé, le 31 décembre dernier, l’ambition du gouvernement d’opérer la réforme. Birahim Seck et ses camarades ont formulé leurs recommandations qui s’articulent autour de 4 axes.
La mise en place d’un parquet national financier est un vœux du Forum civil. Le chef de l’Etat a annoncé, le 31 décembre dernier, l’ambition du gouvernement d’opérer la réforme. Birahim Seck et ses camarades ont formulé leurs recommandations qui s’articulent autour de 4 axes.
La nomination des membres
«La nomination et la cessation d’activités des magistrats du parquet financier doivent obéir aux mêmes règles que celles régissant leurs collègues de même rang. Ils sont soumis aux dispositions de la loi n°2017-10 du 17 janvier 2017 portant statut des magistrats sous réserve de quelques dispositions particulières proposées. La fonction de membre du parquet financier doit être plus protégée en raison de la sensibilité́ de la matière et des exigences de stabilité de l’institution. Il doit être nommé pour une durée de cinq ans renouvelables une fois. La sélection peut être confiée au Conseil supérieur de la magistrature, élargie à des représentants de la société civile et du Bâtonnier de l’Ordre des avocats.
Des entretiens avec les candidats proposés permettraient de renforcer la transparence dans le choix définitif qui se fera sur la base des critères d’intégrité, de compétence et d’indépendance. Pour être membre du parquet financier, le candidat doit être hors hiérarchie et justifier d’une solide expérience de magistrat du parquet. Les membres du Parquet National Financier sont choisis par appel à concurrence.»
Compétences du parquet
«Le parquet financier doit avoir une compétence nationale et assurer la direction des enquêtes sur toute l’étendue du territoire. La compétence matérielle ne doit être ni trop élargie au risque de vider les juridictions répressives de droit commun de l’essentiel de leurs attributions, ni trop restreinte pour laisser échapper d’autres formes d’atteinte à la probité pouvant impacter négativement le secteur économique et financier. Sa définition doit, alors cumulativement, prendre en compte le statut de l’auteur (agent public/privé), la gravité de l’infraction (enjeu financier) et la nature de l’infraction (l’environnement financier).
De ces trois critères, celui relatif à la nature de l’infraction est plus partagé dans les systèmes de justice qui s’évertuent de prôner la bonne gouvernance. La détermination de la compétence matérielle du parquet national financier doit plus dépendre de la nature de l’infraction plus englobante que de sa gravité ou du statut de son auteur. L’appréciation de la gravité étant majoritairement relative et le statut de l’auteur souvent source de conflit de compétences en raison des différences de garanties statutaires des agents publics et surtout les personnes politiquement exposées bénéficiant souvent d’immunité ou de privilège de juridiction.
Il n’existe donc pas de système standard en la matière et la compétence varie d’un Etat à l’autre. Dans certains pays, elle dépend d’un montant plancher au-delà duquel le parquet financier ou le tribunal anti-corruption est compétent, sans considération de la qualification de l’infraction. Il est vrai qu’un dossier de vol simple peut avoir des enjeux financiers largement plus exorbitants qu’une affaire de grande corruption.
Cependant, dans plusieurs autres pays, la compétence matérielle de l’organe judiciaire en charge de la délinquance économique et financière est calquée sur les infractions prévues par les instruments internationaux et régionaux de lutte contre la corruption, plus particulièrement la Convention des Nations Unies contre la corruption.
Ce dernier choix semble plus simple et plus efficace étant entendu qu’en dehors de l’escroquerie, l’abus de confiance et l’abus de biens sociaux qui est en réalité une des formes de corruption dans le secteur privé, la quasi-totalité des infractions financières sont prévues par les instruments pertinents contre la corruption (trafic d’influence, détournement de deniers publics, blanchiment de capitaux, enrichissement illicite, escroquerie portant sur les deniers publics, favoritisme).
Ce choix permet aussi d’éviter des arbitrages qui naîtront inévitablement des conflits de compétence sur la détermination du montant du litige qui est souvent variable aux cours de l’évolution des investigations.»
Les procédures
«La procédure en matière de traitement des infractions relevant de la compétence du parquet financier doit être celle régissant les crimes et délits dans le code de procédure pénale sous réserve des exceptions proposées.
Les magistrats du parquet financier ne doivent pas cumuler leur fonction avec aucun autre emploi judiciaire, leur charge de travail étant lourde et complexe.
Ils seront habilités à recevoir les plaintes et dénonciations et apprécier les suites à donner. Ils peuvent ordonner des enquêtes, procéder ou faire procéder à tous actes de poursuite utiles à la manifestation de la vérité́, y compris les interrogatoires et auditions, les perquisitions et visites domiciliaires, les constatations et expertises.
Outre les procès-verbaux d’enquête menées par les officiers de police judiciaire et portant sur des infractions de sa compétence, le parquet national financier doit être directement destinataire des rapports de la Cellule nationale de Traitement des Informations Financières (CENTIF) et ceux de l’Office National de Lutte contre la Corruption (OFNAC).
Le procureur national financier ne doit ni pouvoir utiliser la procédure de flagrant délit7 en raison du statut politique de certains potentiels justiciables, ni classer les procès-verbaux et rapports d’enquête reçus comme ça été toujours le cas en matière de blanchiment de capitaux. Le parquet national financier devrait soit ouvrir une information judiciaire, soit citer le ou les présumés auteurs devant la juridiction compétente.»
Le parquet financier et les Juges
«Il est évident que l’efficacité́ d’un parquet national financier est tributaire en grande partie de l’existence de juges spécialisés en charge de l’instruction et du jugement.
Lorsque le procureur de la République financier entendra ouvrir une information judiciaire, il saisit la commission d’instruction composé d’un Président, six juges titulaires et deux suppléants. La Commission d’instruction peut être divisée en trois cabinets composés de trois juges chacun. La Commission délibèrera à la majorité́ des voix des membres du cabinet sur toute requête portée à sa connaissance. Le régime juridique de la détention et la liberté́ provisoire avant jugement sera celui applicable aux infractions prévues aux articles 152 à 155 du code pénal relatifs aux détournements, soustractions et escroqueries portant sur des deniers publics.
A la fin de son information, la Commission pourra prendre un non-lieu ou renvoyer l’affaire devant une des deux chambres financières du tribunal de grande instance hors classe de Dakar. Chaque chambre financière peut être composée d’un Président de Chambre, trois juges titulaires et deux juges suppléants.
Les décisions rendues par ces chambres financières sont susceptibles d’appel devant les deux chambres financières d’appel de la Cour d’Appel de Dakar dans un délai de 15 jours à compter du prononcé de la notification ou de la signification de la décision et selon les formes de droit commun de la procédure pénale. Les chambres financières d’appel auront la même composition en nombre que les chambres financières du tribunal de grande instance hors classe de Dakar.
Elles délibèrent à la majorité́ des voix. Les arrêts rendus par les chambres financières d’appel seront susceptibles de pourvoi en cassation suivant la procédure définie par la loi organique n°2017-09 du 17 janvier 2017 sur la Cour suprême.»
Igfm