Afrique du Sud : l’ex-président Jacob Zuma comparaît devant la justice pour corruption

Afrique du Sud : l’ex-président Jacob Zuma comparaît devant la justice pour corruption

L’ancien président d’Afrique du Sud, Jacob Zuma, comparaît devant la justice, lundi, à Pietermaritzburg pour des accusations de corruption en marge d’un contrat d’armements de près de 3 milliards d’euros, conclu par le géant français Thales. L’ancien chef d’État est soupçonné d’avoir empoché 235 000 euros de pots de vin en 1999.

C’est peut-être le début de la fin d’un long feuilleton judiciaire pour Jacob Zuma. L’ancien président sud-africain comparaît devant la justice, lundi 17 mai, pour 16 chefs d’accusation dont celui de corruption. Il est soupçonné d’avoir touché plus de quatre millions de rands (soit 235 000 euros au taux actuel) de pots de vin en 1999, dans le cadre d’un contrat d’armement de près de 3 milliards d’euros passé avec le géant français Thales, lui aussi sur le banc des accusés.

L’ancien chef d’État (2009-2018) devra également répondre des chefs d’accusation d’extorsion et de blanchiment d’argent, pour des faits remontant à 1999, lorsqu’il était encore vice-président, quand le géant français d l’armement a emporté un contrat pour l’équipement d’avions et de navires militaires.

Très vite, l’opposition sud-africaine accuse les autorités de corruption dans l’attribution de ces contrats.

Après un premier procès en 2005, Shabir Shaik, l’ancien conseiller financier de Jacob Zuma, est condamné à 15 ans de prison pour avoir versé des sommes illicites à l’ancien président et avoir négocié des pots de vin avec la société française.

L’un des principaux témoins à charge est un avocat qui a travaillé pendant six ans pour Thales. Son témoignage sur Pierre Moynot, alors responsable de la filiale locale de Thales, est explosif : « Je n’étais qu’un observateur à l’époque, quand M. Moynot a donné tout cet argent, non seulement à M. Zuma, mais il a aussi payé l’ancien ministre de la Justice Penuell Maduna pour s’assurer de ses services », explique Me Ajay Sooklal à nos correspondants en Afrique du Sud Caroline Dumay, Stefan Carstens et Sam Bradpiece. « Ça s’est passe dans un hôtel à Londres. La somme était de 50 000 euros. »

Contacté par France 24, le parti ANC de Jacob Zuma, fondé par Nelson Mandela et qui joue sa crédibilité, n’a pas fait de commentaire. La société Thales a, quant à elle, déclaré qu’elle était confiante et qu’elle démentait fermement les accusations portées contre sa filiale sud-africaine.

Vers un nouveau report ?

Mais l’inoxydable Jacob Zuma, forcé à la démission en 2018 à l’issue d’une série d’autres scandales de corruption, fait tout ce qu’il peut pour retarder son jugement.

Pile un mois avant son procès, tous ses avocats, comme un seul homme, ont renoncé fin avril à le représenter. Sans la moindre explication. Énième manœuvre ? Rien n’a filtré sur leurs raisons mais le Zoulou de 79 ans, roublard et charismatique, pourrait raisonnablement demander un nouveau report, le temps de réorganiser sa défense.

« C’est quasiment certain qu’il – ou sa nouvelle équipe d’avocats s’il en a une – demandera un report et que ce report sera accordé », affirme l’avocat James Grant, interrogé par l’AFP sur les différents scénarios judiciaires possibles.

Ces derniers mois, Jacob Zuma défie les autorités depuis sa résidence de Nkandla dans la campagne zouloue, retapée aux frais du contribuable pour 20 millions d’euros pendant sa présidence sous prétexte de travaux « de sécurité ».

En 2018, avant la fin de son deuxième mandat de président, il tombe en disgrâce, emporté par une terrible spirale de scandales, double jeu et abus de pouvoir. Mais en ayant construit un réseau de fidèles, parmi les parlementaires et les responsables politiques.

« Il détient des tas de secrets »

Au temps de l’ANC en exil sous l’apartheid, « JZ » a été le redouté chef des renseignements, s’occupant des traîtres et des informateurs. Il a aussi passé dix ans à Robben Island comme prisonnier politique. « Il détient des tas de secrets qu’il a menacé de dévoiler », fait valoir la politologue Asanda Ngoasheng.

Depuis, il joue constamment au chat et à la souris avec la commission anti-corruption, qu’il a mise en place début 2018 juste avant sa chute, pour tenter de convaincre qu’il n’avait rien à se reprocher.

La tension croissante liée aux refus répétés de Jacob Zuma de témoigner a conduit à une impasse, alors qu’il a été cité directement ou indirectement par une bonne trentaine de témoins devant cette commission consultative, dont les conclusions pourront toutefois être transmises au parquet.

Zuma est familier des tribunaux. En 2006, il avait été acquitté du viol de la fille séropositive d’un de ses anciens compagnons de lutte. Il avait scandalisé le pays en affirmant avoir « pris une douche » après un rapport non protégé, pensant éviter ainsi toute contamination au VIH.

Avec AFP