Pour la première fois en douze ans, Israël devrait changer de Premier ministre. Yaïr Lapid, le chef du parti centriste arrivé en deuxième position lors des élections législatives du mois de mars, a formellement annoncé au président avoir réussi à composer un gouvernement. C’est le chef de file de la droite nationaliste religieuse, Naftali Bennett, qui devrait le diriger pendant deux ans, succédant donc à Benyamin Netanyahu. Mais il a fallu créer une coalition hétéroclite de 8 partis pour contraindre le chef du Likoud à partir.
De Yamina, le parti nationaliste religieux situé très à droite sur l’échiquier politique, à Meretz, l’une des formations les plus à gauche, en passant par le parti islamiste, cette coalition fait le grand écart, rapporte notre envoyé spécial à Jérusalem, Guilhem Delteil. Après trois élections n’ayant pas permis de créer une coalition fonctionnelle, cette alliance se présente comme un gouvernement d’union dont la nécessité a été dictée par la situation : un blocage autour de la personne de Benyamin Netanyahu.
La formation de ce gouvernement permet de contraindre le Premier ministre sortant au départ. Mais sa diversité de courants le fragilise. Sur de nombreux dossiers, les futurs ministres devraient se trouver en désaccord. Yamina prône ainsi une politique migratoire ferme, l’expulsion des réfugiés soudanais vers leur pays après la normalisation des relations entre Israël et le Soudan. La gauche y est opposée. La construction de routes, d’infrastructures en Cisjordanie visant à améliorer les conditions de vie des colons sera aussi défendue par la droite du gouvernement, mais combattue par la gauche.
Les sujets de discorde ne manquent pas et la base parlementaire de ce gouvernement est fragile ; il ne compte actuellement le soutien que de 61 députés sur 120. Une fine majorité. Aucun analyste ne s’attend à ce qu’il aille au terme des quatre ans de mandat de l’actuelle législature.
Netanyahu et le Likoud gardent une marge de manœuvre
C’est désormais autour du calendrier parlementaire que se joue la bataille, le bras de fer entre les anti et les pro-Netanyahu. Ce nouveau gouvernement doit désormais recevoir l’aval des députés. Mais la prochaine session de la chambre n’est pas prévue avant lundi prochain 7 juin. Et le président n’a ensuite l’obligation d’organiser un vote que dans les sept jours, soit d’ici le 14 juin.
Un délai trop long aux yeux de Yair Lapid qui souhaite mettre le gouvernement rapidement au travail. Et surtout éviter les défections dans sa coalition, qui ne dispose que d’une voix de plus que la majorité absolue. Tout départ mettrait donc le nouvel exécutif en difficulté. Benyamin Netanyahu et le Likoud vont accroître les pressions sur les députés de la frange droite de cette coalition pour les inciter à ne pas accorder la confiance au gouvernement.
En l’état, le Likoud qui tient le poste de président de la Knesset conserve donc une marge de manœuvre sur le calendrier et il devrait ralentir le processus autant que possible. La nouvelle coalition dénonce une obstruction et a déjà lancé l’offensive : elle a officiellement entamé la procédure pour renverser le président de la Knesset et le remplacer par un élu de Yesh Atid, le parti de Yair Lapid, qui accélèrerait la tenue du vote de confiance.