RFI a été témoin des retrouvailles entre Laurent Gbagbo et ses partisans dans un ancien quartier général de campagne de Cocody-Attoban, jeudi 17 juin. Devant une foule acquise à sa cause, l’ancien président a été bref dans son allocution, demandant « à pleurer » d’abord ses « morts » et de parler « plus tard de la politique ».
16h15. Le train d’atterrissage de l’Airbus siglé « Eurowings » frappe l’asphalte de la piste de l’aéroport Houphouët-Boigny, rapport notre envoyé spécial à Abidjan, Pierre Pinto. Explosion de joie, même si nombre des privilégiés venus assister à l’événement s’interrogent : est-ce le bon avion ?« Ce n’est pas Brussels Airlines », commente un militant avant d’apercevoir le drapeau belge sur la carlingue. Puis, au bout de longues minutes Laurent Gbagbo apparaît en haut du hall VIP.
Ses partisans sont en extase. « Nous sommes heureux, plus qu’heureux ! Témoigne l’un d’eux. Nous sommes ici pour accueillir le président Gbagbo. Bien que certains de nos camarades ont été empêchés, parce qu’ils ont été gazés. Donc nous sommes ici, nous avons bravé vents et marée pour accueillir le président Gbagbo. »
Des supporters dispersés
Dès le matin, des supporters de Laurent Gbagbo convergeant vers l’aéroport ont été empêchés d’y accéder, bloqués dans les quartiers alentours et dispersés par la police à coup de grenades lacrymogènes. Puis, alors que les invités venus accueillir l’ancien président arrivent peu à peu au pavillon présidentiel de l’aéroport, les dispersions s’intensifient à Port Bouët et Koumassi. Une situation de tension qui a surpris les organisateurs puisque la veille, le gouvernement avait indiqué qu’aucune interdiction de rassemblement n’avait été prise.
Puis l’ex-président descend, la démarche fatiguée et monte dans une voiture qui vient au pas au milieu de la foule sur le parvis du pavillon présidentiel. Il n’en descend pas, baisse la vitre, salue de la main et le cortège s’élance vers Abidjan et ses milliers de partisans massés le long du boulevard VGE entre l’aéroport et le pont HKB. La répression des manifestations de sympathisants aura poussé les organisateurs à revoir plusieurs fois le programme de la journée. Si bien que rien ou presque ne se sera déroulé comme prévu. Le cortège s’est rendu directement à Cocody, dans le quartier d’Attoban, à l’ancien QG de 2010 de son parti, le Front populaire ivoirien (FPI), renonçant au trajet prévu à travers plusieurs communes d’Abidjan.
Liesse au QG d’Attoban
Là, dès le milieu de la journée, des dizaines d’invités étaient présents, tandis qu’à l’extérieur le service d’ordre du parti faisait tout pour limiter les intrusions, rapporte notre envoyé spécial à Abidjan, François Mazet. C’était joyeux, une bonne ambiance, la sono jouait des tubes ivoiriens et des chansons de campagne pleines de paraboles à la gloire de Laurent Gbagbo. On chantait, on dansait, les gens étaient souriants.
L’excitation est montée d’un cran à l’atterrissage de l’avion transportant l’ancien président, et alors que le cortège prenait la route de Cocody, avant d’atteindre son paroxysme à l’entrée du véhicule dans le quartier général. La nuit vient de tomber, il est 18h15, heure locale. C’est une véritable vague qui accompagne Laurent Gbagbo dans l’enceinte. Et il a fallu toute la solidité du service d’ordre pour empêcher cette foule de jeunes, qui avaient passé la journée dehors au soleil à faire la fête, de s’introduire dans le bâtiment.
On a vu Gbagbo ! On a vu Gbagbo !
Des scènes de liesse pour accueillir Laurent Gbagbo à son QG
François Hume-Ferkatadji
« Je suis votre soldat, je suis mobilisé »
Beaucoup de tensions à ce moment-là, des palabres, des invectives contre les journalistes. Le secrétaire général du FPI-GOR, Assoa Adou, vient de prendre la parole pour introduire l’ancien président. Il tend le micro à son ami et chef politique. Dehors, la foule, massée autour du bâtiment, écoute la retransmission dans les haut-parleurs grésillants. Laurent Gbagbo prend la parole. Son allocution tient davantage du message que du discours politique. Il remercie ceux qui ont œuvré à son retour. Un retour négocié de longue date par ses émissaires et les autorités. Des autorités qui auront gardé le silence ce jeudi et n’auront dépêché personne sur place malgré les discours sur le poids des symboles et l’importance de la réconciliation.
Visiblement fatigué par cette longue journée de tension, Laurent Gbagbo lâche : la politique, il pourra en parler « plus tard ». Il a demandé le temps de « pleurer ses morts », évoquant avec émotion sa mère et son ami Aboudramane Sangaré, décédé durant sa captivité. Il a aussi remercié les Ivoiriens et les Africains pour leur soutien et a quand même eu cette petite phrase : « Je suis votre soldat, je suis mobilisé ». Avant de glisser un mot pour saluer les résultats des dernières élections législatives et le retour de ses amis à l’Assemblée et dans le jeu institutionnel.
Ils étaient moins d’une cinquantaine à assister au premier discours de Laurent Gbagbo. Des cadres du parti, des représentants de la diaspora, quelques élus de l’opposition. Parmi eux figurait Francis Beugré, secretaire national chargé du district Abidjan.
Il a voulu saluer son peuple, il était heureux de retrouver son peuple, qu’il a quitté en 2011. Comme il nous l’a dit, il prendra quelques jours de congés et après il se mettra à la disposition du parti.
Francis Beugré, secrétaire national chargé du district d’Abidjan
François Hume-Ferkatadji
Une prise de parole assez courte, un rapide salut au balcon et le massif service d’ordre du parti invite la foule à vider les lieux. Les invités présents depuis le midi, fourbus, s’exécutent rapidement. Les jeunes restent, pour profiter jusqu’au bout de cette journée d’histoire dans leur pays.