En Chine, le passe sanitaire est sur tous les smartphones depuis le printemps 2020. Impossible de sortir sans, surtout en ce moment.
Avec le rebond épidémique ces derniers jours, la petite musique de ce qu’on appelle ici le « Jiànkāng bǎo », littéralement « l’information sur le trésor de notre santé », est de retour dans tous les lieux publics qui restent ouverts, cafés et commerces bien sûr, mais aussi à l’entrée des résidences. On scanne le code QR santé avec son smartphone (c’est important de scanner, montrer ne suffit pas pour le traçage) et on entend ceci : « Tong guo ! » Le code est vert, « vous pouvez passer ! »
C’est comme les feux de circulation : si le code est orange c’est que vous êtes en quarantaine, vous n’avez rien à faire dehors ; et s’il est rouge, alors là ça sonne, on prévient immédiatement la brigade sanitaire. Ce n’est donc pas quelque chose de permanent. On l’avait même un peu oublié, ce passe sanitaire.
Pendant près de six mois il n’y a pas eu de cas de Covid à Pékin ; le sésame n’était plus exigé que par certaines institutions ou hôtels. Il faut bien comprendre qu’ici le passe sanitaire sert d’abord à tracer les cas contacts. Avec le Big data, les autorités (sanitaires, mais pas que et c’est cela le problème, les opposants politiques ou les journalistes qui ont fait des reportages en zones sensibles l’ont éprouvé) savent si vous êtes passé dans une zone à risque Covid-19 moyen ou élevé.
Et si c’est le cas, hop ! Coup de fil du comité de district qui vous demande de passer un test nucléique et de vous isoler. Cela m’est arrivé en rentrant de Zhengzhou, où nous avons couvert les inondations le mois dernier. Des cas de contaminations ont été rapportés dans la capitale de la province centrale du Hénan. À mon retour à Pékin on m’a demandé de refaire un test PCR. Mon code est resté orange pendant trois jours, puis il est repassé au vert. Trois jours pendant lesquels je n’aurais même pas pu entrer dans l’épicerie en bas de chez moi.
Parfois, il y a des bugs. La chaîne de traçage a été partiellement rompue notamment dans le Hénan avec les coupures d’électricités et d’internet liées aux inondations. Il arrive aussi que votre smartphone alarme les autorités de santé quand vous traversez un territoire classé à risque en TGV. Mis en place le 11 février 2020 à Hangzhou près de Shanghai via l’appli Allipay du géant du E.commerce Alibaba, le système a été généralisé ensuite au reste du pays à partir d’avril 2020. Chaque province, ou ville-État a son code santé.
Un passe sanitaire qui n’est pas lié à la vaccination
Le passe sanitaire en Chine n’est pas directement lié à la vaccination même si le fait que l’on soit ou non vacciné figure sur ce code santé. Mais cela pourrait changer. Des provinces du Sud, le Zhejiang notamment, ont demandé à ce que le vaccin soit une condition au code vert. Pour l’instant, le gouvernement central n’a pas validé.
Dans tous les cas, ce passe sanitaire est l’une des clés de la stratégie dite du « Zéro Covid » en Chine, qui demande un investissement considérable en termes financier, matériel et humain à l’État chinois, mais aussi aux entreprises. « La santé du peuple est le bien le plus précieux », répètent régulièrement les autorités.
Bloquer la circulation du virus demande une mobilisation des personnels médicaux pour réaliser les tests massifs à la moindre apparition de cas confirmés, une armée de traceurs pour remonter les cas contact, ainsi que des millions de personnes pour contrôler ce fameux « code QR santé » sur les smartphones en période épidémique : des agents à l’entrée des gares, dans les transports publics, des gardiens à l’entrée des résidences et des employés à l’entrée des commerces.
Au café où je me trouve par exemple, les serveurs se relaient toute la journée sur une petite chaise à l’entrée, devant une affichette avec le fameux « Jiànkāng bǎo » que tous les clients doivent scanner pour pouvoir entrer…