Longtemps reliée au reste du Sénégal par un ferry (bac), la capitale de la région méridionale étrenne en 1974 le pont Emile Badiane long de 650 mètres. Le pont qui se trouve en Tobor et Ziguinchor a été officiellement inauguré en 1979 et devrait connaître une première réhabilitation en 2000 mais, ce sera en 2004 que le président Abdoulaye Wade après le naufrage du Joola et conscient de l’état de dégradation avancée, ordonnera le démarrage des travaux. De la poudre aux yeux car, Fougerolle ne fera que renforcer les poteaux qui soutiennent la superstructure laissant le reste à l’état avec des accidents mortels réguliers.
Pour des raisons de financement, les travaux débuteront en 2012 et furent confiés à la société Fougerolle, l’ancêtre d’Eiffage qui sous-traita le contrat avec de petites entités. Du bricolage pour certains qui ne comprennent pas qu’on veuille réhabiliter un pont atteint de vétusté très avancée. Ces sceptiques avaient mis en avant la crainte d’assister à une nouvelle catastrophe après celle du naufrage du “Joola”. L’histoire finira par leur donner raison car, le pont Emile Badiane est devenu l’un des endroits les plus meurtriers au Sénégal ces cinq dernières années, selon le patron de la Vision Citoyenne.
L’espoir était permis quand en 2018, lorsque l’ancien Maire de la Ville et allié du Chef de l’état avait annoncé avec emphase : « on va reconstruire le pont, on va l’élargir, on va le consolider. Macky Sall a pu obtenir le financement auprès des chinois. Vous savez qu’il était là-bas il n’y pas longtemps. Les chinois ont accepté de financer la reconstruction du pont ». Robert Sagna avait été expéditif face à ses militants en leur annonçant que le Président de la République « serait à Ziguinchor le jeudi 27 septembre 2018 pour annoncer lui-même la reconstruction du pont Emile Badiane.
« Le pont Émile Badiane a plusieurs fois été réhabilité, avant que le président Macky Sall nourrisse l’espoir en évoquant enfin la reconstruction mais, surprise, les travaux prévus concernent une énième réhabilitation. Si ceux qui disent que Macky Sall a financé le pont de la Gambie est avéré, nous assistons à un vrai « « « samba alarisme » présidentiel avec nos deniers publics », fustige Madia Diop Sané de la Vision Citoyenne.
Si à sa décharge, Robert Sagna n’est pas allé plus loin. Car dira-t-il, le président de la République ne lui a pas donné les détails sur le coût et la durée des travaux, Atlanticactu peut vous confirmer qu’il s’agit bel et bien d’une réhabilitation et non de la construction d’un nouveau pont comme souhaité.
Sur le coup d’un nouveau pont, aucun bailleur ne peut mettre autant de milliards (45 milliards) si les activités génératrices de revenus comme l’industrialisation, le tourisme, l’agriculture ne sont pas soutenus par l,État, selon un fonctionnaire du ministère des Finances, c’est pourquoi il faut aller vers la réhabilitation de l’infrastructure. Concernant les caractéristiques techniques, notre source est formelle quant à la technicité à utiliser dans cette nouvelle opération. En effet, il n’y aura pas de changement majeur sur les superstructures et les structures du pont. « Le concept de pont-route avec des poutres en béton précontraint est maintenu. Même, s’il ne faut pas écarter l’installation de dalles nervurées avec des portées qui n’excèdent pas trente mètres.
Pour Madia Diop Sané, « Ziguinchor a trop souffert des promesses qui lui sont faites depuis plus de 40 ans et ce sont les mêmes individus, riches à milliards qui reviennent nous regarder dans le blanc des yeux pour nous mentir à nouveau. Ce que Ziguinchor exige c’est tout simplement du respect de la part de Macky Sall en premier. Ziguinchor réunit à elle seule toutes les conditions d’une ville morte, les hôpitaux sont en décrépitude, les scandales fonciers et financiers impunis malgré les plaintes déposées contre des élus, le trafic de bois continue de plus belle comme s’il n’existait pas de service des Eaux et Forets, etc… ».
D’un coût minimum avancé de 25 milliards, la réhabilitation et la reconstruction repose sur la modification des superstructures du pont avec une mixité acier/béton qui comporte des éléments structurels en acier et en béton armé ou précontraint. Le tablier de ce pont sera constitué de poutres en acier laminées partiellement ou totalement enrobées.
« Lors de la tuerie de Boffa, un Conseiller du président Macky Sall, Luc Sarr pour justifier la non présentation des condoléances de l’État avait traité la région de zone de bandits et nous voyons ailleurs que même pour la mort d’un cheptel, le président dépêche une délégation, nous exigeons que pour les morts du Pont Emile Badiane morts par la cause de l’irresponsabilité de l’État, que le gouvernement soit aux côtés des populations. Ce n’est pas trop demandé », rouspète le leader de Vision Citoyenne
Un cout jugé exorbitant par certains spécialistes qui donnent l’exemple de la construction du pont de Havre-aux-maisons qui a débuté au printemps 2011 et s’est conclue après 20 mois en décembre 2012. Le coût du projet, pour le pont seulement, est de 30,0 M$, soit quelques 20 milliards de Francs Cfa. Ce pont comprend cinq travées en poutre d’acier portant sur une dalle de 225 cm. Les portées des travées sont 67,18 m + 3 × 84,73 m + 67,18 m. La longueur totale du pont incluant les murs en aile est de 403 mètres.
Pourtant, depuis 2019 le début des travaux confirmé par une source au niveau du ministère des Infrastructures. Ce dernier de nous apprendre, « Pour cette infrastructure, il faut dire que l’appel d’offre de préqualification a été déjà lancé. C’est des travaux très particuliers. Il n’en existe pas beaucoup d’entreprises qui peuvent faire une réhabilitation de ce type. C’est pourquoi on a fait d’abord une étude de préqualification. On a sélectionné pour le moment quatre entreprises et on leur a envoyé le dossier d’appel d’offres. Aujourd’hui, les offres ont été analysées et on est en discussion avec l’entreprise adjudicataire provisoire pour voir comment intervenir rapidement sur cette infrastructure. Je ne m’avance pas sur une date très précise, mais d’ici quelques temps, nous pensons que l’intervention va démarrer ».
Et notre interlocuteur de poursuivre, « Pour le moment, on a mis en place un système de contrôle de passage des camions, car le souci majeur demeure les poids lourds qui ne respectent pas le poids indiqué. L’objectif étant de maintenir la circulation alternée, même au moment de la réhabilitation du pont, car on ne peut pas couper la circulation entre Ziguinchor et Bignona. On connaît déjà les poutres à réhabiliter et la nouveauté, c’est que ces poutres latérales porteuses seront formées de barres métalliques triangulées. Et le coût de l’opération est estimé à environ 25 milliards de francs Cfa. Des ouvrages comme le pont Emile Badiane peuvent durer jusqu’à 50 ans. Mais, pour ce pont, entre la réalisation où les eaux étaient encore douces au niveau du fleuve et aujourd’hui, nous sommes à 30 ans. Les eaux ont fini de changer de nature en devenant saumâtres, et cela n’a pas épargné le béton qui était conçu pour des eaux douces. Donc, pour la réhabilitation ou les nouvelles constructions, il faudra tenir compte du comportement des eaux et utiliser un béton adéquat ».
Après les mille et une promesses de Macky Sall, il urge de voir le démarrage des travaux de réhabilitation du pont Emile Badiane de Ziguinchor pour arrêter l’hécatombe et ne pas assister à un second Joola, un naufrage qui avait coûté la vie à plus de 2000 personnes.
Cheikh Saadbou DIARRA. atlantisactu