Une dérogation de la Pharmacie nationale d’Approvisionnement (Pna) relativement aux dispositions du Code des Marchés publics, la remise de la subvention d’exploitation supprimée depuis 2004 et « l’épongement » de la dette arrêtée à plus de 10 milliards Fcfa à la date du 30 juin 2021, voilà ce qu’exige de l’Etat l’intersyndicale Sutsat-Sas-Sames de la Pna. Ce, par rapport au projet de changement de statut de l’entreprise nationale répartiteur de produits pharmaceutiques. Soutenus dans leur lutte par la coalition des syndicats de Santé And Gueusseum, les syndicalistes de la PNA disent vouloir s’opposer à «toute tentative de transformation institutionnelle hasardeuse et aventurière» de leur société et exigent, surtout, l’implication des partenaires sociaux dans le projet
La Pharmacie nationale d’approvisionnement (Pna) va-t-elle vers une privatisation ? En tous les cas, le chef de l’Etat, Macky Sall, entend donner un nouveau statut à cette entreprise pharmaceutique nationale.
D’ailleurs, en Conseil des ministres le mercredi 1er septembre dernier, le président de la République a insisté sur «l’urgence de réfléchir sur le changement de statut» de cette entreprise grossiste répartiteur de médicaments et de produits essentiels, dont le rôle, dit-il, est «central» dans la performance du système sanitaire national. La question d’un changement de statut est agitée et un comité aurait été mis en place pour plancher là-dessus. La coalition des syndicats du secteur de la Santé, « And Gueusseum », parle d’une «nouvelle tentative aventureuse» pour une boîte qui, selon elle, «n’a nullement besoin d’un changement de statut», pour avoir surtout capitalisé plus de 60 ans d’expériences dans son domaine, et qui, malgré les «obstacles», résiste encore.
Lesquels obstacles sont surtout liés à «l’absence de subvention d’exploitation depuis 2004». Une coupure brusque dont les employés de la Pna disent encore ignorer les raisons. Mais il y a aussi les «lourdes créances de l’Etat sur les comptes» de la Pna et les «procédures draconiennes» du Code des marchés publics. Autrement dit, l’Etat a coupé l’appui financier qu’il apportait à la Pna depuis près de 17 ans, mais continue encore de s’approvisionner à crédit dans cette entreprise ,presque asphyxiée par les longues procédures qu’exige le Code des marchés publics.
D’après l’intersyndicale Sutsas-Sas-Sames de la Pna, le solde créances antérieur global au 31 décembre 2020, était estimé à plus de 12 milliards FCfa. Toutefois, à la date du 30 juin 2021, la situation de la dette a connu une amélioration en retombant à hauteur d’un peu plus de 10 milliards francs Cfa. Ce qui, on en conviendra, demeure toujours élevé. Une ardoise salée de 10 milliards de l’Etat L’Etat, dans le cadre de ses programmes prioritaires comme la lutte contre le Sida et la Couverture maladie universelle (CMU), doit une ardoise salée de plus de 10 milliards à la Pharmacie nationale d’Approvisionnement.
Des chiffres arrêtés au 30 juin 2021 mais qui pourraient avoir évolué depuis, du fait que l’activité continue avec la Cmu (les kits de dialyse et la gratuité des enfants de 0 à 5 ans) et les programmes prioritaires (Sida). Sur ces 10 milliards, l’Agence de la couverture maladie universelle, selon l’intersyndicale de la Pna, doit à elle seule près de quatre milliards. «L’Agence de la Cmu devait plus de cinq milliards à la boîte. Elle avait avancé un milliard 800 millions su cette somme. Sauf que, lorsqu’elle donne d’une main, elle reprend de l’autre. Elle n’éponge jamais sa dette dans sa globalité. C’est toujours une dette qui se reconstitue», se désole le secrétaire général du Syndicat unique des Travailleurs de la Santé et de l’Action sociale (SUTSAS), section Pna.
Papa Bocar Wone loue les efforts de certaines structures sanitaires à propos desquelles il se félicite que, contrairement à l’Agence de la Couverture maladie universelle, «elles payent tout de même ce qu’elles doivent, même si c’est avec un peu de retard». Aussi, avec les programmes prioritaires de santé (Pps) dans le cadre du «Yeksina», avec les districts sanitaires, «on nous payait à temps. Parfois quand il n’y avait pas d’argent, on faisait la stratégie dépôt-vente, et ils font des reversements». Une astuce qui ne durera que le temps d’une rose avec l’enrôlement des postes de santé, le «fameux djéguésina», et les problèmes de recouvrement. Car, selon le patron de la section PNA du Sutsas, Papa Bocar Wone, pour la plupart, «c’est la gamme des 0 à 5 ans, et la Cmu qui nous causent beaucoup plus de problèmes».
Mais aussi, la Direction de la Prévention du ministère de la Santé ! De longues procédures qui plombent la structure Le manque de subvention d’exploitation et la dette de l’Etat, notamment de l’Agence de la Cmu, ne sont pas seuls responsables des difficultés qui plombent la PNA. Car ce sont surtout les longues procédures de passation de marchés qui empêchent la boîte de tenir sur ses deux jambes et de voler de ses propres ailes.
Selon l’intersyndicale And Gueusseum, ces longues procédures constitueraient le principal obstacle à la mission de service public de la structure d’approvisionnement en produits pharmaceutiques des établissements de santé relevant de l’Etat et des collectivités locales. «La Pna est une structure soumise aux procédures du Code des marchés publics. Ce qui fait qu’elle est toujours obligée de lancer des appels d’offres auprès des fournisseurs qui nous font des livraisons à payer 45 jours après. Mais si on ne paye pas, ils ne nous livrent plus de commandes. Aussi, les procédures nous causent beaucoup de soucis car elles peuvent durer plus d’un an, sans compter le temps qu’il faut pour faire la commande et le délai pour recevoir la livraison», se plaint Papa Bocar Wone.
D’où les ruptures fréquentes de médicaments et de produits dérivés dont souffre la PNA.
Pour permettre à cette structure de jouer donc avec efficience sa mission de service public, les syndicalistes demandent que la Pna bénéficie d’une dérogation par rapport aux dispositions du code des procédures de marchés publics, afin que la structure arrive à faire des «achats directs» depuis la Chine, par exemple. «Ce serait moins cher et plus efficace», selon notre interlocuteur. A l’en croire, on dit que certains produits sont des médicaments d’urgence or, s’écrie-t-il, « tous les médicaments sont urgents. Même le Paracétamol !».
Le syndicaliste dénonce ainsi les procédures qui entourent le Médicament au Sénégal et demande une dérogation pour une indépendance dans l’approvisionnement. Il donne l’exemple de l’armée où il n’y a jamais eu d’appel d’offres pour l’achat de munitions, car n’étant pas soumise aux rigueurs du Code des marchés public. Pour le reste, informe Pape Bocar Wone, les travailleurs s’opposent à «toute transformation institutionnelle hasardeuse et aventurière» de leur boîte, qui pourrait, disent-ils, mettre en péril ses acquis. Des travailleurs qui exigent surtout l’implication des partenaires sociaux dans tout le processus tendant à un changement de statut de la Pharmacie nationale d’approvisionnement (PNA).
Le Témoin