Le gouvernement s’est lancé dans un dépistage massif et gratuit de sa population, mais la participation reste incertaine tant la crise de confiance est grande avec les autorités après plus d’un an de contestation politique.
Après des semaines de débats houleux sur le bien-fondé d’un programme de dépistage généralisé du Covid-19 à Hongkong, les 141 gymnases ou autres centres de prélèvements ont accueilli mardi les premiers volontaires. Quelque 590 000 résidents se sont inscrits pour ces contrôles censés durer entre sept et quatorze jours, un chiffre pour l’instant en deçà de la cible des 3 millions affichée un temps pour que le dépistage soit pertinent.
Le programme, soutenu financièrement et matériellement par le gouvernement central, risque de virer au test de popularité pour les autorités deux mois après la promulgation par Pékin de la loi controversée sur la sécurité nationale.
Le but de ce dépistage est de détecter les porteurs asymptomatiques et de briser ainsi la chaîne de transmission pour que «nous puissions revenir à la normale le plus vite possible», a expliqué la cheffe de l’exécutif, Carrie Lam, alors que de lourdes restrictions sociales et économiques pèsent sur l’archipel depuis mi-juillet et la nouvelle vague de contaminations.
Un quart des cas détectés sont asymptomatiques, a encore argumenté la dirigeante pour exhorter les 7,5 millions d’habitants de la mégalopole à participer au test PCR «rapide, très sûr» et réalisé dans des laboratoires locaux.
«Plaire au gouvernement central»
Le programme suscite cependant de nombreuses réticences, à commencer par la communauté scientifique. Le gouvernement «gaspille ses munitions» avec ce test qui ne débouchera que sur un petit nombre de patients positifs, estime ainsi Ho Pak-leung, chef du centre d’infectiologies de l’université de Hongkong. Selon lui, les autorités devraient plutôt attribuer plus de ressources au renouvellement des tests dans les zones à risque telles que les restaurants, les supermarchés et les maisons de retraite.
D’autres critiques concernent la tenue d’un tel dépistage massif alors même que la pandémie a été l’argument massue du gouvernement pour reporter les législatives – qui étaient prévues dimanche – et éviter les concentrations de personnes.
Le timing est d’autant plus mauvais que la mégalopole a prouvé qu’elle pouvait augmenter rapidement sa capacité mensuelle de test : environ 110 000 ont été réalisés en juin et près de 300 000 en juillet grâce au concours des laboratoires Sunrise Diagnostic (propriété du chinois BGI), China Inspection Company et Prenetics, start-up installée à Hongkong. Le dépistage survient par ailleurs au moment d’une baisse des nouvelles contaminations détectées quotidiennement (désormais autour de 10 par jour).
«Il est clair que le gouvernement n’a qu’un seul objectif : utiliser la pandémie pour atteindre son objectif, estime Winnie Yu, porte-parole de l’Alliance des employés hospitaliers, syndicat créé pendant les manifestations antirégime. Il fera tout ce qu’il peut pour plaire au gouvernement central.» Et faire fi des risques de faux négatifs ou de défaillances comme celles de kits de test défectueux de BGI utilisés en Suède et qui ont débouché sur 3 700 résultats faussement positifs.
Surtout, c’est la question de la confiance qui reste insoluble. Depuis mars, les autorités locales géraient seules la crise sanitaire, en vertu du principe «un pays, deux systèmes», mais la main de Pékin s’est faite plus visible.
Le slogan du gouvernement hongkongais «Ensemble luttons contre le virus» est devenu début août «Combattons le virus avec le soutien du gouvernement central». Carrie Lam ne cesse d’exprimer sa «gratitude» devant les capacités offertes par Pékin. La Chine va dépêcher près de 600 personnes pour mener le dépistage à Hongkong, fournir seize laboratoires gonflables et régler les coûts des laboratoires. Un renfort perçu avec suspicion par les Hongkongais.
«Cheval de Troie»
Les opposants, à l’instar de Joshua Wong, craignent que ce programme ne soit une excuse pour mener «une vaste collecte d’ADN ouvrant la voie à une surveillance par le régime à la chinoise» et des transferts de données aux autorités centrales. Le gouvernement de Hongkong nie ces allégations. Mais le prélèvement par la police d’échantillons d’ADN sur les personnes récemment arrêtées en vertu de la loi de sécurité nationale promulguée le 30 juin alimente les craintes que Pékin n’élabore une base de données génétiques pour les Hongkongais, similaire à celle appliquée dans le Xinjiang pour contrôler la minorité des Ouïghours.
Pékin milite pour que Hongkong adopte le code de santé numérique pour faciliter les voyages transfrontaliers et éviter une quarantaine à ceux qui voudraient se déplacer à Macao, l’autre région administrative spéciale voisine, et la province du Guangdong. Mais ce passeport de santé commun – qui, côté hongkongais, ne comprendra que le nom du patient, le résultat du test Covid et l’entreprise qui l’a réalisé – risque, selon l’opposition, de servir de «cheval de Troie sous couvert de politique sanitaire» et de mener à un «autoritarisme numérique».
Carrie Lam a balayé ces critiques, y compris les doutes des scientifiques, «politiquement motivés» selon elle, et destinés à «salir» le gouvernement. Le Bureau des affaires de Macao et Hongkong a pour sa part fustigé les «fausses rumeurs» visant à «saboter le sentiment d’appartenance des Hongkongais à la mère patrie».
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