A l’ère de l' »athleisure », les stars du sport font-elles toujours vendre ?

Les équipementiers sportifs doivent-ils continuer à dépenser des centaines de millions de dollars pour sponsoriser des athlètes alors que la croissance vient surtout de l' »athleisure », une mode inspirée du sport mais souvent sans rapport avec la pratique ou la performance? La question se pose.

Cent millions de dollars. C’est le chiffre que pourrait se voir proposer le basketteur américain Zion Williamson, 18 ans et pas encore professionnel, pour porter une marque de chaussures, un record pour un sportif de cet âge.

Pourtant, le marché des articles de sport dans la catégorie performance se porte mal. Son chiffre d’affaires a reculé de 10% en 2017 aux Etats-Unis, selon le cabinet spécialisé NPD Group, prolongement d’une tendance qui dure depuis quatre ans au moins, selon Matt Powell, l’un de ses analystes.

Le consommateur poursuit sa migration vers l' »athleisure », une mode qui n’est souvent pas destinée à la pratique du sport, mais à la vie de tous les jours. Elle est symbolisée, à l’extrême, par l’apparition de baskets d’apparat XXL vendues par les maisons de luxe, de Gucci à Prada.
Le modèle de référence des grands équipementiers depuis la révolution Michael Jordan, qui a signé chez Nike en 1984, avec des modèles aux noms des sportifs vedettes, onéreux car similaires à ceux utilisés au haut niveau, ne fait plus recette.

« Le message des années 90 et 2000, qui suscitait le désir du consommateur de devenir la célébrité en achetant (son) produit ne fonctionne pas avec les +millenial+ et la génération Z », les moins de 18 ans, estime Rose Jannuzzi, numéro 2 du cabinet spécialisé Concept 21.

« Les marques ont besoin que des athlètes de haut niveau portent leurs produits », tempère Matt Powell. « Cela leur donne de l’authenticité et de la crédibilité. Mais les sommes qu’elles payent ne produisent pas les résultats que vous seriez en droit d’attendre en termes de ventes ».

Les gros contrats se font rares et sont désormais limités à une poignée de superstars, de Roger Federer à Christiano Ronaldo, en passant par LeBron James.

Légende du secteur et décisif dans la signature de Michael Jordan chez Nike, Sonny Vaccaro rappelle le cas de Tiger Woods qui a, en un tournoi, la semaine dernière, validé le soutien financier de la marque à la virgule.

Mais « ce qui a diminué, ces dix dernières années au moins, c’est l’appétit du public pour ce qui n’est pas au sommet », dit-il.

– La Chine s’éveille –
Cela explique pour partie, souligne Rose Jannuzzi, la dispersion des athlètes, qui n’hésitent plus à s’engager avec de plus petits équipementiers, voire à créer leur propre marque.

Mais à l’image du cas Zion Williamson, le retour sur investissement n’est pas le seul paramètre qui détermine la stratégie des équipementiers.

« Même si Nike a le plus beau groupe d’athlètes au monde, en particulier en basket, ils pensent probablement à ce qui se passerait si quelqu’un d’autre qu’eux récupérait Zion », qui va faire ses débuts en NBA la saison prochaine, explique Sonny Vaccaro.

« Athleisure » ou performance, la concurrence est féroce sur le marché de la mode où Adidas, et dans une moindre mesure Under Armour et Puma, cherchent à prendre des parts de marché à Nike.

« Je pense que (Williamson) va signer un gros contrat et que les marques chinoises vont aussi passer à l’offensive » sur le dossier, anticipe Matt Powell.

Plusieurs équipementiers chinois ont déjà avancé leurs pions à l’étranger et signé plusieurs joueurs de la ligue professionnelle américaine de basket NBA, de Dwyane Wade (Li-Ning) à Tony Parker (Peak) en passant par Klay Thompson (Anta).

L’enjeu n’est pas tant pour elles de s’implanter aux Etats-Unis que de croître chez elles.

A la différence de la plupart des autres, le marché chinois ne montre pas de signe de ralentissement sur le segment de l’équipement à vocation sportive, souligne Matt Powell, et les consommateurs y sont toujours sensibles à l’effet célébrité.
En outre, selon les projections du cabinet NPD, le marché chinois de la chaussure de basket devrait dépasser celui des Etats-Unis d’ici quelques années.

« Si vous voulez entrer dans la danse, il vous faut celui dont l’Amérique parle en ce moment », renchérit Sonny Vaccaro, à savoir « Zion ».

Ce joueur au potentiel fascinant, avec des caractéristiques physiques extraordinaires, a déjà créé des remous dans le secteur en février quand sa chaussure Nike, l’équipementier de sa fac Duke, avait explosé lors d’un match à enjeu.