Les autorités judiciaires sénégalaises ont reçu fin avril, écrit « Libération », une commission rogatoire française du juge Renaud van Ruyembeke, qui demande l’interrogatoire, sur la base d’un questionnaire qu’il a transmis, de Papa Massata Diack, sa mise en examen mais aussi une enquête détaillée sur ses comptes bancaires et biens au Sénégal. Si en 2016, les autorités sénégalaises s’étaient opposées à pareille demande, cette fois-ci tout indique que la commission rogatoire sera exécutée, puisque le juge français estrevenu à la charge après les assurances faites par Macky Sall à Thomas Bach.
Le 20 mai 2016, les juges Renaud van Ruyembeke, Stéphanie Tacheau et Charlotte Bilger chargés de cerner l’affaire de corruption présumée à l’iaaf et ses tentacules, saisissent les autorités judiciaires sénégalaises pour identifier les comptes et biens de Papa Massata Diack mais, surtout, procéder à sa mise en examen. L’ancien Garde des Sceaux, Sidiki Kaba, leur oppose un refus par courrier en date du 25 juillet 2016. Les juges français reviennent à la charge mais le ministère sénégalais de la Justice convoque la procédure pendante devant le premier cabinet d’instruction de Dakar, dans laquelle Papa Massata Diack a été inculpé et placé sous contrôle judiciaire pour, encore, refuser la demande des magistrats. Entre-temps, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts.
A Buenos aires, lors de l’attribution au Sénégal par la Cio de l’organisation des Jeux olympiques de la Jeunesse de 2022, son président Thomas Bach rencontre Macky Sall et lui fait part des difficultés des magistrats français à exécuter une commission rogatoire. Le Président sénégalais lui assure que tous les écueils seront levés et Bach lui adressera même quelques jours après, une lettre, comme un rappel : «L’engagement de votre gouvernement serait particulièrement apprécié », y écrit-il.
Une affaire tentaculaire
Et le moins que l’on puisse dire est que les choses ont commencé à bouger et ce n’est pour rien que Thomas Bach a assuré, la semaine dernière, avoir reçu des «assurances du Sénégal».
Selon les informations de « Libération », le juge Renaud van Ruyembeke a fait parvenir au Sénégal, courant avril 2019, une nouvelle commission rogatoire, accompagnée d’une lettre de relance, pour exécution. Dans ledit document, le magistrat français demande aux autorités sénégalaises d’interroger Papa Massata Diack sur la base d’un long questionnaire transmis à cet effet, mais surtout d’adresser des réquisitions à toutes les banques pour tracer ses mouvements de fonds, identifier les montants s’y trouvant et, enfin, de procéder à sa mise en examen.
Des sources autorisées renseignent que cette fois-ci, le Sénégal a décidé d’exécuter la commission rogatoire. A preuve, le doyen des juges du tribunal hors classe de Dakar a été désigné à cet effet. L’affaire de corruption présumée à l’iaaf comporte plusieurs volets. Et dans tous les dossiers, Massata Diack qui continue de nier les faits, apparaît comme une pièce centrale.
Dans le volet relatif au dopage russe, le parquet financier a requis le renvoi devant le tribunal de l’ancien président de l’iaaf. En mars dernier, Lamine Diack a été mis en examen pour corruption active en même temps que le patron de beINsport, Nasser al-Khelaïfi. D’après l’accusation, en vue d’influencer le vote pour l’organisation des mondiaux d’athlétisme par le Qatar, Oryx Qatar Sports investment, contrôlés par Nasser al-Khelaïfi et son frère Khalid, a versé 5,5 millions de dollars à Pamodzi, la société de Papa Massata Diack. Auparavant, Tsunekazu Takeda, le président du Comité olympique japonais avait été inculpé dans le volet relatif aux jeux de Tokyo tout comme, avant lui, son homologue brésilien Carlos Nuzman.