L’affaire a tourné à un conflit politique lorsque le leader de Pastef, Ousmane Sonko, s’en est mêlé. De même que Tahirou Ndiaye et Mamour Diallo. Mais à l’origine, il s’agissait d’un contentieux judiciaire opposant les héritiers de feu Ousmane Mbengue (héritier avec sa famille de feu Mbougour Diagne), au défunt Djily Mbaye. Objet du litige : 258 ha de terrain situés dans la zone de Rufisque et évalués à 94 milliards de francs Cfa. Ce week-end encore, Rufisque a frôlé le pire, avec des héritiers prêts à casser les constructions « illégales » sur le site.
Suite à de longues périodes de batailles judiciaires, les héritiers Mbengue remportent les victoires, mais les décisions de justice ne seront jamais appliquées. Le Président Macky Sall qui tombe sur le dossier, ordonne la restitution de son bien à la famille. L’ordre tombe dans les oreilles de sourds.
Plusieurs tentatives d’abattre des constructions et d’en découdre physiquement avec des acquéreurs, sont évitées de justesse. Pas pour longtemps, puisque des affrontements se sont soldées par des blessés graves. Ce week-end encore, le ton est monté avec la communauté léboue qui entend, selon elle, faire respecter le droit. Aux premières lignes du combat, le doyen Yéri Diakhaté et, surtout, Demba Anta Dia, le mandataire attitré de la famille.
En effet, le Titre Foncier 1451 a été immatriculé en 1957 par la famille de feu Ousmane Mbengue, qui l’a hérité de feu Mbougour Diagne. C’est dire que l’histoire de ce terrain est une vieille histoire, qui a entraîné une très longue procédure. Dans les années 1970, Feu Djily Mbaye a voulu avoir ce titre pour ériger un projet. «On ne sait comment, mais il s’est présenté comme étant le propriétaire. Sa démarche a été, de bout en bout, entachée du faux. Nous nous sommes engagés alors dans une procédure judiciaire sous la conduite de M. Yéri Diakhaté, un des héritiers, âgé aujourd’hui de près de 90 ans, mais qui continue à se battre pour son droit, notamment contre la Saim (Société immobilière qui gère les biens de feu Djily Mbaye, Ndlr). Après huit années de procédure, il a eu gain de cause», rappelle Demba Anta Dia.
Ensuite, l’affaire a été renvoyée à la Cour d’appel de Kaolack, qui a confirmé le premier jugement rendu sans appel, ni opposition. «Il faut rappeler que c’est pendant que nous étions en procès, que Djily Mbaye a immatriculé toute l’assiette foncière à son nom, pour après, présenter ses documents à son cousin, l’ancien président de la République» (Abdou Diouf, Ndlr). Parce que c’est la Saim, représentée par Djily Mbaye, soutient notre interlocuteur, qui a proposé à l’Etat du Sénégal l’expropriation du TF pour cause d’utilité publique, « en étant tout à fait conscient du fait qu’il n’y a ni droit ni titre. Malgré tout, il l’a présenté et le titre a été inscrit au nom de l’Etat. Il a été immatriculé et une partie a été donnée à la Sn Hlm où, je le dis pour le déplorer, il y a de véritables délinquants fonciers».
Le terrain en question fait 258 ha. Nulle part, selon M. Dia, il n’a été dit que telle partie appartenait à la Sn Hlm, dans la mesure où l’arrêt de la Cour de Kaolack avait formellement dit, que tout devait être restitué à leurs propriétaires légitimes, «puisque toute la procédure avait été faussée et qu’il n’était pas possible d’exproprier». M. Dia estime qu’une telle opération n’aurait pas été possible sans la complicité de certains commis, de l’Etat qui ont abusé l’Etat. C’est dire donc que dans cette affaire, l’Etat est tout aussi victime que les héritiers.
Injonction du Président Sall
Le Président Macky Sall qui a hérité du dossier presque une trentaine d’années plus tard, « s’y est très bien impliqué, après que nous lui avions expliqué tous les tenants et les aboutissants. Il n’est en rien concerné même s’il y a la continuité de l’Etat. Il a montré toute sa disponibilité à le gérer », se félicite M. Dia. Toutefois, croit-il savoir, si l’affaire traîne, c’est du fait de certains des proches collaborateurs du président de la République. «Et en tant que mandataire de la famille des héritiers, je suis gêné de dire des choses qui mettent le Président dans une situation inconfortable parce que j’estime qu’il ne le mérite pas et qu’il a lui-même donné des instructions fermes, disant qu’il fallait restituer aux lébous leurs terres. Et nous sommes dans cette dynamique.»
Affaire purement judiciaire, Ousmane Sonko out
Il est vrai qu’Ousmane Sonko a, par sa posture d’homme politique, donné une ampleur à cette affaire. Seulement, « nous tenons à faire savoir que ce dossier n’est pas un dossier politique, mais juridique, qui a été vidé en notre faveur. Aujourd’hui, nous déclarons à haute voix, que notre seul interlocuteur c’est le président de la République ». Et en dépit de toutes les « malversations » notées du fait de certains proches collaborateurs du chef de l’Etat, « pas un seul instant nous n’avons incriminé ce dernier. Cela dit, en tant que mandataire et au nom de toute la famille de feu Ousmane Mbengue, je rappelle que nous n’avons rien à avoir avec Ousmane Sonko et que cette affaire nous concerne, nous, avec l’Etat du Sénégal ».
Manœuvres tous azimuts
Cela dit, « il est clair que nous voulons à tout prix éviter des confrontations avec des acquéreurs de la Sn Hlm. Cette société n’a aucun droit sur le TF, mais continue à y vendre des terrains et cela ne passera pas. Nous sommes dans un Etat de droit, régi par des lois et des textes. Il est inadmissible que ces lois et ses textes soient souvent violés. Nous sommes déterminés à faire face quoi qu’il nous en coûte », fulmine M. Dia.
D’ailleurs, ce dernier rappelle qu’il a été envoyé en prison pour six mois, «sur la base de fausses informations», parce qu’on chercherait à mettre des bâtons dans les roues de la famille dont il est le mandataire.
« Le procureur Bassirou Guèye a été donc induit en erreur et le juge du 6e Cabinet a très bien géré la situation. Mais pour nous, la bataille continue ; parce que la justice sur cette affaire, nous a donné raison ». Et cela, la Cour d’appel de Dakar l’a encore confirmé le 25 août passé ,sous astreinte de 100 mille francs Cfa, puisque le conservateur de Rufisque a été assigné en justice.
« Et je dois dire que nous n’avons rien contre ce dernier ou ceux qui travaillent aux Domaines de Rufisque, dans la mesure se sont des commis de l’Etat qui agissent sous les ordres. En conséquence, ce dossier les dépasse. Je pense que ce sont des gens de bonne foi, victimes eux aussi de la cupidité de leurs supérieurs.»
Et M. Dia de poursuivre : « Tant que la justice sera là, nous œuvrerons à éviter la confrontation ; mais nous nous battrons, au nom justement du rendu de la justice, pour rentrer dans nos droits. L’Etat a été fautif et sanctionné à travers la Sn Hlm qui, jusqu’au moment où je vous parle, est incapable de produire un état de droit réel, car elle ne l’a pas».
Et Demba Anta Dia d’inviter le Président Macky Sall, à rappeler à l’ordre ses hommes et au respect du droit d’autrui.