Afghanistan: les talibans revendiquent l’attaque contre le ministère de la Défense à Kaboul

Afghanistan: les talibans revendiquent l'attaque contre le ministère de la Défense à Kaboul

Les talibans ont revendiqué, mercredi 4 août, l’attentat-suicide qui a visé mardi soir le ministre afghan de la Défense à Kaboul, faisant huit morts. Ils ont également menacé de mener de nouvelles attaques contre de hauts responsables gouvernementaux.

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Avec notre correspondante à Kaboul, Sonia Ghezali

Mardi soir, les détonations s’enchaînent au cœur de Kaboul, des flammes surgissent et un épais nuage de fumée noir s’élève au-dessus d’un bâtiment de sept étages situé dans le quartier huppé de Shirpur. Juste derrière se trouve la maison du ministre de la Défense et celle d’un parlementaire. C’est là, au cœur de Kaboul, près de la « Zone verte », qu’un kamikaze s’est fait exploser à bord d’une voiture piégée.

Durant près de trois heures, les forces spéciales afghanes ont tenté de déloger les attaquants qui ont réussi à pénétrer dans les maisons du ministre et du parlementaire. Des grenades explosent, des tirs nourris et des détonations retentissent tout au long de l’intervention des forces de sécurité afghanes. Le ministre de la Défense est indemne, affirment les autorités afghanes.

À 21h, des cris surgissent dans la nuit. « Allah Akbar », crient des silhouettes qui se détachent aux fenêtres et sur les toits des maisons. En quelques minutes, des hommes forment des groupes dans les rues de la capitale afghane alors que les détonations continuent. Certains brandissent des drapeaux noirs, rouge et vert, aux couleurs de la république afghane d’Afghanistan. Un internaute avait lancé ce défi sur les réseaux sociaux dans la journée, les habitants de Kaboul l’ont honoré malgré les explosions et les fusillades qui ne cesseront que vers 23h30 (heure locale). Ils crient leur soutien aux forces de sécurité afghane qui luttent contre les talibans qui ont lancé en mai dernier une vaste offensive à travers le pays.

« La nuit dernière (mardi), une attaque-suicide a été menée contre la résidence du ministre de la Défense […] par un groupe de moudjahidines équipés d’armes légères et lourdes », a déclaré dans un communiqué Zabihullah Mujahid, un porte-parole des talibans. « L’attaque est le début d’opérations de représailles contre […] les dirigeants de l’administration de Kaboul qui ordonnent des attaques et bombardements à travers le pays contre des civils », a-t-il ajouté.

Au moins trois blessés dans l’explosion d’une mine
C’est la première attaque à Kaboul d’une telle ampleur revendiquée par les talibans depuis des mois. L’accord signé en février 2020 à Doha avec Washington, prévoyant le retrait de tous les soldats étrangers d’Afghanistan, les empêchait, au moins sur le papier, de mener des attaques dans les grandes villes afghanes.

Et ce mercredi 4 août, au moins trois personnes ont été blessées à Kaboul dans l’explosion d’une mine placée en bord de route, non loin du ministère des Martyrs et des Invalides, faisant trois blessés, a indiqué un porte-parole de la police de la capitale afghane.

Pendant ce temps-là, les combats entre talibans et forces de sécurité afghanes continuent dans trois capitales provinciales. C’est le cas de la grande ville d’Hérat, dans l’ouest, où les combats font rage depuis plusieurs jours dans les faubourgs. L’aéroport a été touché mardi par une roquette. Même chose à Kandahar, dans les faubourgs de la capitale de la province du même nom, là où le mouvement taliban est né il y a plus d’une trentaine d’années.

Les civils otages des combats à Lashkar Gah
Et à Lashkar Gah, la capitale de la province du Helmand, dans le sud, l’armée a demandé aux civils, aux veuves, aux personnes blessées de quitter leurs maisons parce qu’ils allaient bombarder. La Commission afghane des droits de l’homme s’est alarmée du sort des civils utilisés comme des boucliers par les talibans et pris en étau dans les combats qui font rage entre les insurgés et l’armée afghane.

l’aviation afghane a mené des raids aériens pour chasser les talibans qui ont réussi à pénétrer au cœur de la ville. Mais ils se cacheraient dans les maisons des habitants. Un habitant joint par téléphone explique qu’il reste caché avec sa famille dans leur sous-sol. « Impossible de sortir, les magasins sont fermés, nous sommes affamés », explique-t-il. Cet homme a vu son cousin mourir après avoir été blessé par des tirs alors qu’il rentrait chez lui. « Nous voyons des cadavres dans les rues ». Il est en colère contre le gouvernement, contre le général en charge des opérations militaires dans le Helmand.

Nous sommes effrayés, il y a des cadavres dans les rues. Nous voulons la paix, nous sommes fatigués de cette guerre

Les habitants de Lashkar Gah pris au piège dans les combats

Quarante personnes au moins ont perdu la vie depuis mardi. Une situation d’urgence que tentent de gérer les quelques organisations humanitaires encore sur place. « Les partenaires médicaux, ONG médicales sont présents encore sur place et continuent effectivement à apporter du soutien aux populations, explique Isabelle Moussard Carlsen, cheffe du Bureau des affaires humanitaires de l’ONU, Ocha Afghanistan à Kaboul. On a vraiment un mandat pour rester et pour continuer à délivrer de l’aide. Et cela est particulièrement vrai aussi pour les acteurs médicaux. Je pense en particulier à certaines ONG médicales qui sont très présentes aujourd’hui sur le terrain et qui voient leurs structures très sollicitées par de nombreux blessés de guerre qui arrivent dans les hôpitaux. »

Martine Flokstra est cheffe des opérations de Médecins sans frontières en Afghanistan, qui gère le principal hôpital de la région de Lashkar Gah. En l’espace de trois jours, 70 blessés de guerre ont été admis dans l’hôpital et plus de vingt opérations lourdes ont été réalisées dans la journée de mardi. « Nous avons un stock raisonnable de médicaments et de matériel médical. Nous nous étions préparés ces derniers mois, souligne-t-elle. Mais ce qui nous inquiète est que les patients aient de plus en plus de difficultés à rejoindre l’hôpital. Nous faisons le maximum pour assurer la continuité des soins. C’est le dernier recours des populations civiles que nous devons prendre en charge, quelle que soit leur nécessité médicale. »