En Afrique du Sud, Barack Obama a prononcé mardi 17 juillet le traditionnel discours annuel d’hommage à Nelson Mandela, devant 15 000 personnes à Johannesburg. Le premier président noir des Etats-Unis a dressé un tableau plutôt sombre du monde actuel, entre repli sur soi et peur de l’autre. Barack Obama a appelé à raviver l’héritage de tolérance et d’unité prôné par Nelson Mandela. L’Afrique du Sud fête cette année le centenaire de naissance de cette icône mondiale et ses dirigeants – notamment le président Cyril Ramaphosa – comptent bien capitaliser sur l’événement.
Assis aux côtés de Barack Obama, souvent penché vers lui, Cyril Ramaphosa n’a prononcé qu’un bref discours. A demi-mot, il a souligné sa proximité passée avec Nelson Mandela, qui voyait en lui son dauphin : « Alors que notre nation est remplie d’un espoir renouvelé, je ne cesse d’entendre la voix de Madiba, juste à mon oreille, qui me dit : « Je t’envoie pour servir la nation ». Mon premier discours devant le Parlement a été inspiré par Nelson Mandela. Son esprit est parmi nous aujourd’hui. »
L’année du centenaire de naissance de Nelson Mandela est sans doute une aubaine pour Cyril Ramaphosa, pressé de s’inscrire dans les pas de l’icône pour mieux rompre avec les années Zuma.
Pourtant, l’héritage de l’icône de la lutte contre l’apartheid est de plus en plus critiqué, notamment par les plus jeunes, frustrés par les inégalités et la pauvreté, et par les malversations de leurs dirigeants.
Pour les ramener vers lui à moins d’un an des élections nationales, Cyril Ramaphosa aime rappeler qu’il a été adoubé par Nelson Mandela lui-même et qu’il est capable de faire revivre son héritage.
■ Reportage : les jeunes partagés sur l’héritage de Mandela
Dans le centre-ville de Johannesburg, Prince, 22 ans, et ses amis, sortent tout juste de l’université. Pour lui, Nelson Mandela est tout simplement LE héros national : « Il est courageux, intelligent et sage. De mon point de vue, son héritage est encore pertinent. Il a changé nos vies. Avant, l’opinion d’un homme ne comptait pas. Aujourd’hui, nous avons la possibilité de nous exprimer et de nous faire entendre. »
Un peu plus loin, Sandile, lui aussi étudiant, émet quelques réserves sur l’action du prix Nobel de la Paix. « Politiquement, dit-il, il est toujours pertinent. Mais pas économiquement. Nous avons achevé le combat pour la liberté, et l’intégration. Mais notre combat maintenant, c’est l’égalité économique ! »
L’inégalité économique entre Noirs et Blancs est encore criante aujourd’hui, comme l’a montré le débat sur la distribution des terres, encore détenues à 75% par les Blancs. Mzwakhe avait 18 ans lors de l’élection de Mandela, un vendu selon lui : « Nelson Mandela a été placé là par les libéraux. Il plaidait pour la paix alors tous les Sud-Africains aiment Mandela car il a amené la paix. Mais il a fait le choix d’être un négociateur et donc il n’a pas pu tout obtenir. Par exemple, il nous a donné le droit de vote. Mais qu’a vraiment changé le droit de vote ? Est-ce que le droit de vote a rempli nos assiettes ? Non. »
Mzwakhe et le mouvement de conscience noir sud-africain reprochent au prix Nobel de la Paix ses négociations restées secrètes avec le régime de l’apartheid.
■ L’hommage de Barack Obama à Madiba
« Toute génération a la capacité de refaire le monde. Mandela disait : « La jeunesse est capable, quand elle est exaltée, de faire tomber les tours de l’oppression et de soulever l’étendard de l’espoir ». C’est un bon moment pour s’exalter. C’est un bon moment pour s’enflammer.
Et pour ceux d’entre nous qui se sentent concernés par l’héritage que nous célébrons aujourd’hui, par l’égalité, la dignité, la démocratie, la solidarité, la bonté… Ceux d’entre nous dont le cœur, à défaut du corps, reste jeune. Nous avons le devoir d’aider notre jeunesse à réussir. »