Le FSB a dénoncé, lundi, comme une « falsification » le piège téléphonique que l’opposant a tendu à un agent russe pour lui faire admettre qu’il avait participé à son empoisonnement cet été en Sibérie. Alexeï Navalny a publié une vidéo de l’entretien sur son blog.
Les services russes étant pointés du doigt dans son empoisonnement cet été en Sibérie, Alexeï Navalny a voulu apporter la preuve de leur implication. L’ennemi juré du Kremlin a publié sur son blog, lundi 21 décembre, un enregistrement téléphonique compromettant pour les services de sécurité russes (FSB).
En se présentant au téléphone comme un assistant du secrétaire du Conseil de sécurité russe Nikolaï Patrouchev, proche de Vladimir Poutine, il fait croire à Konstantin Koudriavtsev, un expert des armes chimiques du FSB, qu’il a besoin de son témoignage pour rédiger un rapport. L’intéressé révèle alors que le poison ayant visé Alexeï Navalny avait été déposé à l’intérieur de ses sous-vêtements. Sans apporter de preuve sur l’identité de son interlocuteur, l’opposant affirme que « toute expertise vocale démontrera qu’il s’agit bien » de Konstantin Koudriavtsev.
« La vidéo avec (cette) conversation téléphonique est une falsification », a réagi le FSB dans un communiqué cité par les agences de presse russes, ajoutant que cette « prétendue enquête » constituait « une provocation planifiée » qui n’aurait pas été possible « sans le soutien technique et organisationnel de services spéciaux étrangers ».
« La substitution du numéro d’un abonné est une méthode bien connue des services étrangers », poursuit-il, excluant par conséquent « la possibilité d’identifier les véritables participants de (cette) conversation ». L’opposant explique avoir utilisé un artifice permettant de falsifier son numéro de téléphone.
Résultat : en représailles, la Russie, qui dénonce les sanctions européennes visant depuis octobre plusieurs hauts responsables, a indiqué, mardi, « avoir élargi la liste des représentants de pays membres de l’UE interdit d’entrer sur le territoire de la Fédération de Russie ».
L’ambassadeur de France et des représentants des ambassades d’Allemagne et de Suède en Russie avaient été convoqués, un peu plus tôt, au ministère des Affaires étrangères. Il s’agit des trois pays qui disent avoir identifié une substance neurotoxique de type Novitchok dans l’organisme de l’opposant. Ce sont ces conclusions qui ont conduit aux sanctions de l’UE contre des responsables russes.
Un homme responsable de la destruction de preuves
Selon la conversation publiée par Alexeï Navalny, la personne présentée comme l’agent du FSB est d’abord hésitante, avant de s’engager dans une conversation de 45 minutes avec l’opposant, toujours en Allemagne. L’individu juge que le détracteur du Kremlin a survécu grâce au pilote de l’avion à bord duquel il a fait son malaise, et aux urgentistes qui l’ont soigné.
Alexeï Navalny s’était senti mal lors d’un vol le ramenant de Tomsk, en Sibérie, à Moscou. Le commandant de bord avait alors décidé d’atterrir à Omsk pour permettre sa prise en charge. « S’il avait volé un peu plus longtemps (…) peut-être que tout se serait déroulé autrement », dit l’homme, selon l’audio et la vidéo diffusés par Alexeï Navalny.
À plusieurs reprises, l’agent présumé s’inquiète d’évoquer l’affaire « au téléphone », avant de donner des détails, comme lorsqu’il affirme que le poison avait été mis sur le sous-vêtement de l’opposant.
L’interlocuteur laisse entendre qu’il n’a pas participé personnellement à l’empoisonnement, mais à la destruction de preuves a posteriori.
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Alexeï Navalny a obtenu, dit-il, le numéro de téléphone de l’agent via le site d’investigation anglais Bellingcat, qui a publié le 14 décembre, avec plusieurs médias, une enquête disant identifier huit agents du FSB, dont Konstantin Koudriavtsev, impliqués dans une filature de l’opposant depuis des années. Navalny assure avoir appelé toutes ces personnes mais que « toutes ont rapidement raccroché », jusqu’à la conversation avec Koudriavtsev. Ces appels ont eu lieu quelques heures avant la publication de l’enquête de Bellingcat.
Des accusations réfutées par Moscou
L’opposant, spécialisé dans les enquêtes sur la corruption des élites, accuse le président russe d’avoir commandité cette tentative d’assassinat.
Interrogé sur cette première investigation, Vladimir Poutine avait laissé entendre que Alexeï Navalny était surveillé, mais avait démenti tout empoisonnement, estimant qu’il serait mort si des agents avaient voulu le tuer.