«La femme est l’avenir de l’homme», disait Louis Aragon. «On ne naît pas femme, on le devient», renseigne Simone de Beauvoir. Encore une fois, dans un rituel bien rodé, l’humanité des femmes se rappelle, aujourd’hui, le 08 mars, au bon souvenir de l’humanité des hommes et regarde d’une façon désabusée ce non-événement la glorifiant l’espace d’une journée et l’oubliant le reste de l’année.
Faut-il pour autant aller à l’autre bout du curseur et accepter la sentence de Simone de Beauvoir, alors que pour Aragon elle serait notre avenir ? bref la femme tout court, à travers ces grandes figures de la Nation. En effet, l’histoire du Sénégal est jalonnée de battantes, femmes de cœur, qui méritent mille fois d’être à l’honneur.
Le combat de ces femmes a donné ses lettres de noblesse à l’histoire de ce pays. Aussi loin que nous plongeons notre regard dans notre histoire, nous trouvons sans difficulté, comme exemple de bravoure, la femme première héroïne qui nous vient à l’esprit : Aline Sitoé Diatta.
Aline Sitoe Diatta, l’héroïne de la désobéissance civile
Née en en 1920 à Kabrousse en Casamance, Aline Sitoe Diatta a eu une courte vie pleine d’histoires. Voulant être indépendante, elle se rend à Ziguinchor pour travailler comme docker. Durant la saison sèche, elle migre sur Dakar et y trouve un emploi de bonne à tout faire.
C’est à Dakar, comme une prophétesse, qu’elle a eu la révélation de sa mission de libérer son peuple de l’administration coloniale, par des voix quasi-divines. Au début, elle ne voulait pas suivre ces voix, mais elle décide plus tard de s’y conformer et de revenir en Casamance. Elle y entraîne la population dans un mouvement de désobéissance civile.
La reine-prêtresse de Kabrousse alla d’une prison à l’autre au Sénégal et en Gambie, et finalement fut déportée à Tombouctou, au Mali, où elle sera déclarée morte en 1944. Elle a probablement succombé aux brimades, aux tortures, aux privations de nourriture et au refus de la soigner lorsqu’elle tombait malade.
Les femmes Nder, le refus à l’esclavage
Une autre histoire, particulièrement tragique, restée longtemps dans la mémoire des Sénégalais : L’histoire des femmes de Nder qui, un mardi du mois de novembre 1819, se sacrifièrent collectivement pour ne pas tomber entre les mains d’esclavagistes maures. Amazones d’un jour, ces femmes se battirent avec l’énergie du désespoir. Servantes, paysannes, aristocrates, jeunes, vieilles, elles s’engagèrent, animées de leur seul courage, dans la terrible confrontation avec l’ennemi.
Dans leurs chants de célébration à la mémoire de ces femmes d’exception, les griots, illustrateurs des pages de l’histoire africaine, assurent que ce jour-là, elles tuèrent plus de trois cents Maures. Le combat étant cependant inégal, les ‘’ceddos’’ furent rapidement exterminés. Des rigoles de sang bouillonnant s’épandaient en une boue rougeâtre sur le sol de terre battue.
Çà et là gisaient pêle-mêle des cadavres et des blessés agonisants. Les histoires de ‘’Ndatté Yalla’’, sa sœur Djeumbeut Mbodj et des Linguères du Walo nous enseignent que le statut de la femme dans les civilisations africaines était de loin en avance sur celles occidentales. La Reine ‘’Ndatté Yalla’’ (1810-1860) sera la première à affronter le pouvoir colonial. Son règne sera marqué par une défiance permanente des Français contre lesquels elle a livré une bataille acharnée.
Mariama Ba, la pionnière de l’émancipation féminine
Auteur de ‘’Une si longue lettre’, Mariama Bâ dénonce sans trêve les injustices faites aux femmes. Elle se rend compte que la seule issue pour les femmes est de lutter contre les inégalités qui leur sont imposées. Dans un premier temps, ses combats passeront par l’action militante au sein de nombreuses associations de femmes. Pour elle, leur salut réside dans le militantisme au-delà des clivages et des rivalités politiques.
Elle dénoncera la législation sénégalaise sur la brièveté du congé-maternité, incriminant partout la violence, l’innocence bafouée, la marginalisation des femmes des instances de décision, et bien sûr la polygamie. «On ne partage pas de gaieté de cœur un mari », ne cessera-t-elle de répéter.
Ce que révèle la femme et militante Mariama Bâ, c’est une conviction et un attachement sans faille dans une valeur cardinale : la solidarité. Au cliché de femmes victimes, elle oppose la création de personnages féminins forts et complexes. En amorçant une innovation dans l’approfondissement d’un vison féminine plus riche de virtualité ‘’Une si longue lettre’’ envisage une nouvelle approche du roman sur l’image de la femme noire.
Caroline Faye, les religieux et le Code de la famille
Madame Caroline Faye, Première femme député à l’Assemblée nationale du Sénégal et première femme ministre du pays, mérite un chant permanent dans la mémoire collective, mais aussi d’être immortalisée au panthéon des dames qui ont marqué la vie de la nation sénégalaise. Epouse modèle de feu Demba Diop, ancien ministre de la Jeunesse et des Sports, Caroline Faye aura aussi été une combattante de la liberté et de l’émancipation de la femme sénégalaise. En effet, elle se battit pour que ses sœurs aient leur place dans le Code de la famille, malgré l’opposition farouche de certains guides religieux qui s’étaient fondés sur les recommandations divines et que, par conséquent, avaient clamé haut et fort la nullité de l’application de ce Code dans un pays à majorité musulmane.
Annette Mbaye d’Erneville, notre première femme journaliste
Annette Mbaye d’Erneville, première journaliste du Sénégal, est née à Sokone en 1926. Elle est la première femme présente dans les médias au Sénégal, à l’heure de la colonisation, et deviendra le personnage principal du documentaire « Mère Bi », que lui consacre son fils en 2008. Ce film au-delà de son caractère affectif, retrace le parcours exceptionnel d’une femme entrée dans la mémoire collective des Sénégalais.
Voilà ces modèles à présenter aux jeunes générations. Apprenons à les connaître, à nous en inspirer pour que chacun et chacune contribuent à faire de notre cher pays une grande Nation.
dakarmatin