Au lendemain de l’attentat antisémite de Halle, la communauté juive exige de l’Allemagne une meilleure protection et une mobilisation contre l’extrême droite. Les craintes d’un terrorisme néonazi resurgissent.
Avec notre correspondant à Berlin,Pascal Thibaut
L’attaque de Halle a suscité une grande émotion. Sur place, bien sûr, où plusieurs centaines de personnes se sont recueillies le 9 octobre au soir, au centre-ville, en déposant des bougies à la mémoire des victimes. A Berlin, aussi, où Angela Merkel a participé à un rassemblement devant une synagogue. « Mon objectif, et celui des responsables politiques, est de tout faire pour que vous puissiez vivre en sécurité. Et cette journée nous montre que ce n’est pas assez, que nous devons faire encore plus », a déclaré la chancelière.
Absence de protection scandaleuse
Un aspect critiqué par la communauté juive allemande. Son responsable, Josef Schuster, a ainsi jugé « scandaleux » l’absence de protection policière devant la synagogue de Halle. La communauté juive allemande dénonce régulièrement la montée de l’antisémitisme. Le président de la république Frank-Walter Steinmeier visite cet après-midi la synagogue de Halle. Le ministre de l’Intérieur, Horst Seehofer, sera aussi sur place pour donner une conférence de presse.
Une « honte pour l’Allemagne »
L’attaque de mercredi fait bien sûr la une de tous les journaux. Pour le quotidien populaire Bild, « l’auteur de l’attaque est le seul responsable. Mais il a été encouragé dans ses actes par une société civile qui ne prend pas suffisamment position contre l’antisémitisme. C’est un message accablant en raison de notre histoire. C’est une honte pour l’Allemagne ». Plusieurs journaux voient dans l’attaque d’hier une nouvelle dimension de la violence antisémite. On peut ainsi lire dans un quotidien : « Le terrorisme d’extrême droite se sent aussi fort qu’en 1933. Il n’hésite pas à s’exprimer publiquement ».
■ Cérémonie de recueillement devant la synagogue
Un rassemblement s’est tenu ce jeudi matin devant la synagogue de la ville où l’agresseur de 27 ans a tenté en vain de pénétrer. Des fleurs et des bougies sont déposées le long du mur de la synagogue. Mercredi, à la même heure, plusieurs dizaines de membres de la communauté juive de Halle s’apprêtaient à célébrer la fête de Kippour. L’agresseur n’a pas réussi à pénétrer dans la synagogue mais il a tué une passante devant l’entrée et plus loin un homme dans un restaurant turc.
Quelques dizaines de personnes dont des responsables politiques étaient présents jeudi matin sur les lieux du drame. Parmi elle, la présidente du conseil municipal de Halle, Katja Müller, du parti de gauche Die Linke. « Depuis mercredi, le danger est là et on ne peut plus tergiverser. Il faut encore plus réagir que par le passé, ne rien relativiser et ne pas se contenter de parler de cas individuels », affirme-t-elle.
Parmi les personnes présentes se trouvaient le député du Bundestag Karamba Diaby. Il est le seul élu du Bundestag d’origine africaine et est arrivé à Halle du temps de la RDA communiste.
La communauté juive est plus alarmée que jamais. Elle dénonce en Allemagne une augmentation de l’antisémitisme. Son responsable a jugé scandaleux le fait que la synagogue de Halle n’ait pas bénéficié de protection policière. Igor Matviyets était coiffé de la kippa, ce jeudi matin, ce qu’il ne fait pas normalement dans la rue par précaution. « Le terrorisme d’extrême droite fait malheureusement souvent des victimes en Allemagne. Et à chaque fois, on nous parle de signaux alarmants. Venir nous témoigner sa solidarité, c’est bien. Mais celui qui se dit surpris ne connaît pas la vie des juifs dans ce pays », dénonce-t-il.
Les experts dénoncent un danger grandissant d’un terrorisme d’extrême droite en Allemagne. Il y a quatre mois, un responsable chrétien-démocrate favorable à la politique migratoire d’Angela Merkel était tué à bout portant.
rfi