Attentat dans l’Aude: le douloureux week-end de Trèbes

La France a de nouveau été frappée par le terrorisme vendredi 23 mars : quatre personnes sont mortes dans le département de l’Aude, entre Carcassonne et Trèbes, au cours de la tragique équipée d’un Français d’origine marocaine. Alors que la classe politique a – globalement – respecté et partagé la vive émotion qui a traversé le pays, à Trèbes, la communauté musulmane locale reste inquiète des conséquences de ce nouvel attentat. A Trèbes, les habitants ont le coeur chargé de douleur.

■ Trèbes pleure le soldat Beltrame

Des fleurs, des poèmes, des peluches : l’émotion suscitée par la mort d’Arnaud Beltrame occupe un  tiers du trottoir devant le portail du groupement de gendarmerie de Carcassonne. Depuis samedi des centaines d’anonymes viennent ici se recueillir en mémoire d’un officier exceptionnel. Camille habite juste en face de la caserne, il s’est improvisé gardien de la flamme.

Je suis gendarme à la caserne, je suis à la brigade de recherches de Carcassonne. J’ai amené ma fille pour apporter une petite fleur. Qu’on le connaisse ou non – moi j’ai eu l’occasion de le croiser -, c’est normal qu’on soit ému par un geste pareil, on ne peut qu’être ému. En étant en plus sur le terrain au moment des faits on est d’autant plus touchés. On a amené une rose blanche, c’est symbolique.
Ludivine est venu avec sa fille de sept ans. Gendarme elle-même, elle connaissait le 
Devant le poste de gendarmerie, les anonymes, qui connaissaient ou non le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame, ont déposé des gerbes de fleurs et des marques d’attention en hommage au héros, le week-end du 24 et 25 mars.Stéphane Lagarde/RFI

Le patron de la gendarmerie nationale Richard Lizurey s’est rendu dans l’Aude dimanche afin de « partager l’immense tristesse », mais aussi « la fierté » de la gendarmerie d’avoir « compté Arnaud Beltrame dans ses rangs ».

■ L’inquiétude de la communauté musulmane trébéenne

« On a la haine, on est dégoûté, ça ne peut pas se comprendre. » L’incompréhension et le dégoût se ressentent chez ces jeunes Trébééns de confession musulmanerapporte notre envoyé spécial à Trèbes, Stéphane Lagarde. Installés en terrasse du kebab situé à moins de 100 mètres du Super U de la prise d’otages, Billel et Momo n’en finissent pas de s’interroger sur ce qui a amené un jeune franco-marocain d’une cité de Carcassonne a venir semer la terreur ici dans leur ville.

« C’est incompréhensible. Une fiche S, il se balade tout seul. Mais c’est quoi ça ? C’est laisser un chien errant sans laisse. Un mec comme ça, il devrait pas… Une fiche S, putain de merde. Au niveau de l’Etat, déjà y a une anomalie, c’est pas possible », s’indigne Momo, agent ferroviaire.

L’invitation à la prière commune lancée par l’évêque de Carcassonne et de Narbonne dimanche a visiblement été entendue. Dans l’église de Trèbes, des représentants de la communauté musulmane assiste à la cérémonie d’hommage aux victimes. Mohamed Belmihoub, l’imam de la mosquée du Viguier à Carcassonne inspirée par les textes de l’Evangile, s’exprime : « Nous sommes les enfants de la France multicolore, multiconfessions. Cette grande France. L’église, la synagogue, la mosquée sont les symboles de la République laïque. Il faut que tout le monde se mobilise en commençant par la famille. On essaie de faire rentrer les brebis égarées. »

Une lutte contre la radicalisation des jeunes qui passent par un meilleur contrôle d’internet pour Billel, foreur sur les chantiers. « C’est un mec qui devait rester beaucoup sur internet, il devait regarder des trucs de fou, des coupages de tête. Il s’est monté en l’air tout seul le type. » Un passage à l’acte malgré un signalement pour radicalisation.

Sur les murs de Trèbes, des affiches du Front national sont apparues suite à l’attentat. Momo dit craindre les discriminations. « Là je dis que c’est une chance au FN. Pour un petit con, ils vont faire des généralisations, c’est n’importe quoi. Franchement, c’est un dégoût parce que c’est un mec qui a décidé tout seul de faire sa dinguerie et on va tous être dans le même sac. » Et pour éviter l’amalgame, les mosquées de Carcassonne ont observé samedi matin une minute de silence pour les victimes.

■ Le FN interpelle le gouvernement, la France insoumise expulse un membre

Face à l’émotion des Français bouleversés par ce nouvel attentat et tous prêts à saluer de manière unanime l’héroïsme du gendarme Beltrame, les politiques – majorité et opposition – se sont abstenus de toute véritable polémique ce week-end.

De fait, seule l’extrême droite a ouvertement critiqué l’exécutif pour sa politique sécuritaire. « Quand le gouvernement va-t-il comprendre que nous sommes en guerre ? », s’est ainsi interrogée sur Twitter Marine Le Pen, la patronne du FN, réclamant comme à chaque attentat « l’expulsion immédiate de tous les étrangers fichés S ».

Une fermeté relayée par les élus frontistes, et balayée par le ministre Christophe Castaner, le patron de la République en Marche qui a dénoncé un « non sens » en soulignant qu’être « fiché S ce n’est pas être condamné », le fichage est « juste un outil pour le renseignement », a-t-il plaidé. En faire une « mesure de privation de liberté lui ferait perdre toute son efficacité ».

A droite, Eric Ciotti a été prompt à réclamer le rétablissement de l’état d’urgence, alors que l’ancien Premier ministre socialiste Manuel Valls plaidait pour l’interdiction du « salafisme » et une éventuelle rétention administrative contre les fichés S. Une proposition également défendue par le nouveau président de la Droite républicaine, Laurent Wauquiez, qui ne s’est pas exprimé ce week-end mais qui fera une déclaration ce lundi matin devant la presse au siège du parti Les Républicains.

Enfin, du côté de la gauche radicale, un ancien candidat de la France insoumise aux législatives françaises, Stéphane Poussier, a été placé en garde à vue pour apologie du terrorisme après s’être félicité sur Twitter de la mort du gendarme Arnaud Beltrame.

Il avait déclaré sur Twitter : « A chaque fois qu’un gendarme se fait buter (…) je pense à mon ami Rémi Fraisse », un jeune militant écologiste tué en 2014 par une grenade tirée par un gendarme. Puis : « Là c’est un colonel, quel pied ! Accessoirement, encore un électeur de Macron en moins », avait-il ajouté. Ses remarques ont provoqué de vives réactions sur Twitter, et son compte a été désactivé.

Les tweets ont été condamnés par son mouvement, la France Insoumise et par son leader Jean-Luc Mélenchon, qui a affirmé sur le réseau social que le mouvement porterait plainte contre Stéphane Poussier.

Les propos honteux et abjects de Stéphane Poussier n’ont rien à voir avec la France insoumise. Nous les condamnons fermement. Nous avons immédiatement retiré cette personne de la plate-forme de la France insoumise.

rfi